La saga de saint
Óláf, tirée de la Heimskringla
/ Snorri Sturluson ; introduction, traduction et notes de
Régis Boyer, d'après l'édition de
Bjarni Adalbjarnarson. - Paris : Payot & Rivages,
2007. - 315 p. ; 19 cm. - (Petite
bibliothèque, 77).
ISBN 2-228-90161-X
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Cette saga
est le joyau de la collection des sagas des rois de Norvège
que l'Islandais Snorri Sturluson rassembla, au début du XIIIe
siècle, sous le titre de Heimskringla.
Nous y suivons les
destinées du premier grand roi unificateur et
législateur de son pays, Óláf
Haraldsson, qui périt à la bataille de
Stiklarstadir en 1030 et fut immédiatement
proclamé saint, tant pour avoir christianisé la
Norvège que par les nombreux miracles qui suivirent sa
mort : il reste le plus populaire des saints du Nord.
Fidèle aux
principes d'écriture et à la vision du monde des
auteurs de sagas, Snorri Sturluson s'attache non à ajouter
à la tradition des légendes dorées un
morceau convenu de plus, mais à nous montrer un homme,
d'abord viking brutal et orgueilleux, qui devient un grand roi et un
grand saint.
Psychologue averti, esprit
rationaliste d'un modernisme confondant, philosophe consommé
de l'histoire, Snorri Sturluson a réussi à nous
offrir le portrait d'un homme inoubliable, à l'exacte
intersection du réalisme plat et de l'idéalisme
éthéré : la
vérité reste la marque de ce grand roi qui
vécut et mourut pour la loi et pour sa foi.
❙ |
Régis
Boyer,
professeur émérite de langues,
littératures et
civilisations scandinaves à l'université Paris
IV-Sorbonne, est l'auteur, des Sagas
islandaises et d'Yggdrasill : la religion des anciens Scandinaves, que
les éditions Payot rééditent
simultanément. |
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EXTRAIT |
Cet été-là, le
roi Ólafr envoya Þórarinn
Nefjólfsson en Islande transmettre ses
messages : Þórarinn sortit du Thrándheimr avec son bateau
quand le roi s'en alla et l'accompagna vers le sud jusqu'à
Moerr. De là, il prit la haute mer et eut si bon vent qu'il
ne lui fallut que quatre jours pour aborder à Eyrar en
Islande : il alla aussitôt à
l'alþing et y arriva quand les gens étaient au
Lögberg : il s'y rendit aussitôt. Quand les
opérations judiciaires eurent été
terminées, Þórarinn Nefjólfsson prit la parole :
« Voilà quatre nuits que j'ai
quitté le roi Óláfr Haraldsson. Il
envoie, ici dans ce pays, à tous les chefs et dirigeants
ainsi qu'au tout venant, hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et
pauvres, les salutations de Dieu et les siennes et il ajoute qu'il veut
être votre seigneur si vous voulez être ses sujets,
et, de part et d'autre, vous serez amis et vous vous prêterez
assistance en toutes bonnes choses. » On fit de
bonnes réponses à ses propos. Tous se dirent
heureux d'être amis du roi s'il était ami des gens
de ce pays. Alors Þórarinn prit la parole : « Le
roi ajoute à ses salutations qu'il veut demander amicalement
aux gens des terres du Nord qu'ils lui donnent l'île ou
l'îlot qui se trouve au large de l'Eyjafjördr et
qu'on appelle Grímsey. En échange, il fournira
les biens de son pays que l'on pourra lui indiquer ; il envoie
dire à Gudmundr de Mödruvellir de plaider cette
cause, car il a appris que c'était Gudmundr qui avait la
plus grande autorité par là. »
Gudmundr répondit : « Je
souhaite avoir l'amitié du roi Óláfr,
et je la crois beaucoup plus profitable que l'îlot qu'il
demande. Toutefois, le roi n'a pas justement été
informé quand il pense que je disposerais là d'un
pouvoir plus grand que les autres, car ce lieu est maintenant un
territoire commun. Nous allons donc tenir une réunion entre
nous, tous ceux qui tirent le plus de profit de cette
île. » Les gens allèrent
ensuite à leurs baraquements. Après quoi, les
gens des terres du Nord tinrent session et discutèrent de
cette affaire. Chacun intervint comme bon lui semblait. Gudmundr plaida
cette cause et beaucoup se rangèrent à son avis.
Alors on demanda pourquoi Einarr, son
frère, n'intervenait pas. « C'est lui,
dirent-ils, qui nous paraît le plus capable de voir le plus
clairement cette affaire. » Alors Einarr
répondit : « La raison pour
laquelle je ne suis guère intervenu dans cette affaire,
c'est que personne ne m'a consulté. Mais s'il faut dire mon
opinion, je crois que le mieux serait pour les gens de ce pays de ne
pas se soumettre à verser des tributs au roi
Óláfr ou toutes autres redevances qu'il impose
aux gens de Norvège. Ce n'est pas seulement à
nous que nous allons imposer cette tyrannie, mais à nos fils
aussi et à toutes nos familles qui habitent ce pays. Ce roi
a beau, comme je crois qu'il l'est, être un excellent homme,
il en ira désormais comme cela s'est passé
jusqu'ici : lorsqu'il y a changement de rois, ils ne sont pas
tous semblables, les uns sont bons, les autres, mauvais. Mais si les
gens de ce pays veulent avoir leur liberté, celle qu'ils ont
eue depuis que ce pays a été habité,
il ne faut donner aucune prise au roi ni en lui conférant la
propriété de terres ni en versant
désormais des redevances fixes qui pourraient être
tenues pour contraignantes. En revanche, je déclare bienvenu
que ceux qui le veulent envoient au roi des présents
amicaux, faucons ou chevaux, tentes ou voiles ou toutes autres choses
dignes d'être offertes. Ce sera fort bien fait si l'on en
retire amitié. Pour Grímsey, il faut dire que si
l'on n'en ôte pas les choses qui peuvent tenir lieu de
vivres, on pourra y nourrir une armée. Et s'il s'y trouve
une armée étrangère qui en part sur de
longs bateaux, je pense que beaucoup de petits paysans vont trouver
leur condition rude 1.
Et dès qu'Einarr eut dit cela et
exposé toutes les conséquences, tout le monde
convint unanimement qu'il ne fallait pas accepter cela. Þórarinn vit alors quelles conclusions aurait son discours
dans cette affaire.
☐ Chapitre CXXV (Les Islandais refusent de
perdre leur liberté), pp. 150-151
1. |
Le
texte dit littéralement et savoureusement : vont trouver que l'espace manque
devant leur porte (NdT). |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La saga de saint Oláf,
tirée de la Heimskringla »
introduction, traduction et notes de Régis Boyer,
Paris : Payot (Bibliothèque historique),
1983 ; Payot (Petite bibliothèque), 1992
- « La
saga de saint Olav 1015-1030 : saga des rois de
Norvège, Heimskringla »,
trad. de Georges Sautreau et avant-propos de Gunnar
Höst, Paris : Payot, 1930
|
- « Histoire des rois de Norvège, Tome 1 : Des origines mythiques de la dynastie à la bataille de Svod » trad. et présenté par François-Xavier Dillmann,
Paris :
Gallimard (L'Aube des peuples), 2000
- « Histoire des rois de Norvège, Tome 2 : Histoire du roi Olaf le Saint » trad. et présenté par François-Xavier Dillmann,
Paris :
Gallimard (L'Aube des peuples), 2022
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mise-à-jour : 6 mai 2022 |
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