Les îles
éparses / Jean-Louis Magnan. - Paris :
Verticales-Phase deux, 2006. - 257 p. ;
21 cm.
ISBN
2-07-078113-5
|
9ème
édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007 |
livre
en compétition |
NOTE DE L'ÉDITEUR
: Il y a un demi-siècle, au large de
Madagascar, sur
l’île de Juan de Nova, une mine de phosphate est
cédée à « une
frange d’hommes au
service du pouvoir ». Parmi eux, Barnabé
Dole, un
bourreau ordinaire. Au crépuscule de sa vie mercenaire, il
évoque cet enfer colonial méconnu.
Fascinée et
accablée par sa confession testamentaire, une autre voix
émerge. Celle de Nathan, l’ancien amant de
Barnabé,
qui entame une enquête à la fois sentimentale et
éthique sur l’itinéraire d’un
survivant
jamais repenti de l’horreur.
Avec Les îles
Éparses,
Jean-Louis Magnan met son lyrisme au service d’une
anti-épopée, celle des décombres de
l’amour
et de la vanité de la toute-puissance.
|
ERWAN
DESPLANQUES : […]
Magnan met la plume dans la plaie d’un enfer colonial,
à
Juan de Nova, une île africaine où des
fonctionnaires ont
systématisé tortures et orgies. Son roman
évoque
la relation foudroyante et complexe entre l’un de ces
bourreaux
insulaires et son amant parisien, héritier de sa confession,
avec lequel se noue un dialogue mental sur la nature de
l’Homme
et du Mal. À l’évocation de cette
île,
personnification de la part sombre de l’humain,
s’oppose le
souvenir d’un amour charnel, exalté, sursaut
d’Eros
face au néant. L’amant veut comprendre pour
transmettre
à son tour, dépasser la
« rhétorique de
l’impossibilité du dire » des
rescapés
des camps et répondre positivement à la
célèbre question d’Adorno :
peut-on
écrire après Auschwitz ? Si le narrateur
lutte,
l’auteur y parvient, dans la lignée de Semprun, ou
d’Antelme, mais avec la langue pour seul souvenir.
À la
banalité du mal, Jean-Louis Magnan oppose la
singularité
d’un style. A la simplicité de la
cruauté, une
sidérante exigence poétique.
☐ Télérama,
2957, 16 septembre 2006
|
EXTRAIT |
—
Donc ce qui t'intéresse dans l'histoire des
Éparses, c'est l'analyse d'un système ?
—
Au début, c'était ça.
—
Et ce système, sous ses dehors cohérents, te
semble une péripétie coloniale voulue par des
idiots ?
—
Oui.
—
Et ce petit groupe de perdus pervers, sur une île de
l'océan Indien, tu dis qu'il est représentatif de
la
vieille Europe que tu as quittée ?
—
Absolument.
—
Et qu'ils soient allés si loin dans leurs jeux sordides,
uniquement parce qu'ils rapportaient de l'argent, ça te
semble
très important ?
—
Très.
—
Et le fait que ces salauds se soient appuyés sur une
façon de penser hautement civilisée te
surprend ?
—
Non.
—
Tu voudrais faire d'eux des types qui n'inventent rien mais qui
se dissimulent sous un masque d'idées pour aller au bout de
leurs petites affaires ?
—
Oui, des idéologues, mais sans idées.
—
Et tu penses aussi que les ouvriers de Juan de Nova sont
à leur échelle représentatifs d'un
tiers monde
qui, dans ses frontières ou ses banlieues, n'a pas les
moyens de
penser ce qu'on lui fait subir …
—
Exactement.
—
… et que la domination qui s'exerce sur eux est double,
à la fois par la force, mais surtout par un
phénomène de subjugation culturelle ?
—
J'aurais pas dit mieux.
—
Et tu racontes l'histoire de Barnabé parce qu'à
tout prendre, comme témoin, il en vaut bien un
autre ?
—
Pas vraiment.
—
Mais alors, ton histoire, c'est une histoire de quoi ?
—
De pouvoir.
☐
pp. 108-109 |
|
|
mise-à-jour : 29
mars 2007 |
|
|
|