Le phare
[suivi
de] La nouvelle tribulation de Lévy / Gabriel
Loidolt ;
trad. de l'allemand par Colette Kowalski. - Paris : Gallimard,
1991. - 224 p. ; 21 cm. - (Du Monde entier).
ISBN
2-07-072175-2
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sur
cette petite île de roc, d'éboulis et de sable
apporté par le vent, il n'y a rien pour rendre la vie plus
supportable qu'en prison — même pas un rat.
☐ p. 53 |
Après
avoir croupi au fond d'une oubliette, un prisonnier est
transféré sur un îlot désert
du golfe
Persique où il doit faire fonctionner un phare et assurer
une
veille météorologique. Rythmée par les
seules
exigences techniques de ce service ainsi que par la faim et la fatigue,
la vie quotidienne se délite sous l'emprise de la solitude
et
d'une chaleur harassante. Tous les repères se brouillent,
à commencer par le sens de l'écoulement du temps
—
le présent et des bribes de passé se
mêlent et le
futur vacille, sapé par le ressassement mécanique
des
mêmes tâches.La découverte
inopinée dans
les soubassements du phare d'un
vieux poste de télévision, puis de la photo d'une
jeune
femme brisent un instant la lancinante routine : surgissent
alors
les images du conflit qui plus loin dans l'est oppose l'Irak et l'Iran,
s'impose surtout l'histoire fantasmée de la jeune femme que
le
prisonnier nomme Leila : « j'inventai ce
qu'on ne
voyait pas de son visage … puis je dotai de formes la
silhouette
que j'avais souvent devinée à travers le
vêtement ». Ces
simulacres d'évasion laissent croire qu'une
brèche
pourrait s'ouvrir entre la réalité
bornée et tous
les possibles qui assiègent l'île. Mais, victime
d'un
pouvoir inflexible et cerné par une mer infestée
de
requins, le captif doit encore subir la rigueur d'un
imprévisible geôlier
— lui-même et ses
hantises.
❙ | Gabriel
Loidolt est né en Autriche en 1953. Après des
études de lettres et d'électronique, il a
séjourné au Moyen-Orient. Il vit à Graz. | ❙ | Colette Kowalski (1936-2006) a reçu le Prix Gérard de Nerval (1992) pour sa traduction du Phare. |
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EXTRAIT |
Avant
de placer le téléviseur dans le local de service,
j'avais
une étrange perception du temps. Jours et nuits se
différenciaient à peine. Ils venaient et
passaient,
s'étiraient ou se raccourcissaient, se confondaient de sorte
que, rétrospectivement, je n'ai plus l'impression que d'une
longue nuit et d'un long jour. Malgré cela je croyais tout
connaître dans l'île. Il n'y avait pas un sentier
qui
m'eût échappé, pas une colline que je
n'eusse
gravie. Je savais où les plaques de roche étaient
friables, où les éboulis pouvaient glisser. Je
connaissais les endroits plus ou moins chauds. Et pour le phare, il
n'en était guère autrement. Je
découvris
même ce qui, à un certain moment, m'avait
provoqué
des nausées. C'étaient certains vents qui
s'engouffraient
dans les murs et produisaient des sons confus à peine
audibles.
Je savais déjouer les pièges de l'escalier
à vis
et la passerelle n'avait plus de secrets pour moi. Mais je n'allais pas
tarder à découvrir qu'il y avait encore des
choses dont
je ne savais rien.
☐
pp. 61-62 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Der
Leuchtturm », Graz, Wien : Droschl, 1988
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- Gabriel Loidolt,
« Die irische Geliebte »,
Leipzig : Reclam, 2005
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mise-à-jour : 21
juillet 2008 |
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