EXTRAIT |
La léproserie de l'île
du Diable n'existe plus. Cet établissement est aujourd'hui
le lieu d'internement d'Alfred Dreyfus. Le déporté
y vit isolé, sous l'œil de ses surveillants militaires.
Le prisonnier est, en effet, soumis à une surveillance
de tous les instants. Ses gardiens sont au nombre de onze, dont
un surveillant chef et dix surveillants subalternes. Nuit et
jour ils font faction, en se relevant de deux heures en deux
heures, les autres étant toujours prêts à
prêter main-forte au premier signal.
La case occupée par le
condamné était d'abord située dans la partie
basse de l'îlot. Pour des raisons de prudence on l'a, dans
ces derniers temps, établie sur le point le plus élevé
du plateau. Elle est entourée d'un jardinet où
rien ne pousse, ayant une quarantaine de mètres carrés
de superficie, et clos par une palissade très épaisse
de deux mètres de hauteur, en sorte que l'horizon du prisonnier
se borne à cette clôture. Il ne voit ni la brousse
ni la mer ; son isolement du monde est absolu. Il n'y a dans
la palissade qu'une seule porte, étroite, ne pouvant laisser
passage qu'à un seul homme à la fois, et cette
entrée est constamment gardée par un surveillant,
revolver au poing.
La case a dix mètres de
long sur trois mètres de large. Elle est divisée
en deux pièces à peu près égales.
Celle où l'on entre d'abord est occupée par les
deux surveillants de garde. L'autre, par le condamné qui,
pour sortir, est obligé de passer sous les yeux de ses
gardiens. La pièce qui lui est réservée
reçoit le jour par deux fenêtres à barreaux
de fer, comme celles de Mazas, donnant sur le jardinet attentivement
surveillé.
Les relations de l'extérieur
avec l'île du Diable sont réglées sévèrement.
Aucune embarcation, grande ou petite, n'a le droit de s'en approcher,
sauf celle qui apporte, tous les quinze jours, les approvisionnements
fournis par l'île Royale.
☐ pp. 15-18
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