Témoignage
d'une île-prison : de l'exil aux prix
littéraires / Behrouz Boochani ; en collaboration avec
Omid Tofighian ; trad. de l'anglais par Karine Xaragai. -
Paris : Hugo Doc, 2019. - 395 p. ; 22 cm. ISBN 978-2-7556-4429-6
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Il avait fui l'Iran pour s'exprimer librement et pour échapper
à la prison, dont il était menacé pour son
engagement politique en faveur de la cause kurde. Mais en 2013, le
bateau qui devait conduire Behrouz Boochani en Australie a
été intercepté par les autorités et le
journaliste est depuis détenu sur l'île de Manus 1, en
Papouasie-Nouvelle-Guinée, au nord de l'Australie.
Au fil
de milliers de SMS, envoyés à l'aide d'un
téléphone portable secret à un ami traducteur,
Behrouz a documenté la vie dans ce camp de détention
monstrueux, les multiples violations des droits humains, les conditions
de vie déplorables, l'incompréhension et le
désespoir des prisonniers innocents.
Comme tant d'autres
dépouillé de son identité, de son humanité
et de son individualité, Behrouz a réussi à faire
entendre dans une œuvre magistrale la révolte silencieuse
des migrants injustement traités à travers le monde.
C'est une victoire contre le système qui nous a réduit
à des numéros, a déclaré le journaliste et
cinéaste Behrouz Boochani après l'annonce du jury du Victorian Prize for Literature [attribué par l'Etat de Victoria (Australie) en janvier 2019]. 1. | Manus
est une île située à 300 kilomètres au
nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée ; sa superficie est de
2000 km2 et elle compte plus de 40 000 habitants. |
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CHRISTOPHE AYAD : […]
Cet ouvrage, écrit depuis le centre de
détention australien de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée), a été envoyé
jour après jour par l’intermédiaire de la messagerie WhatsApp, comme un
samizdat de l’exil. […] “ Le livre de Behrouz Boochani résiste à toute classification, explique son ami Omid Tofighian, qui l’a traduit du persan en anglais. Il
relève autant de la littérature carcérale que de la fable
philosophique, de la poésie kurde, des écrits dissidents iraniens ou
encore de la critique anticoloniale. Il décrit comment les politiques
migratoires et la violence d’Etat ont fabriqué un univers carcéral pour
toute une partie de l’humanité. ”
Behrouz
Boochani, journaliste et écrivain kurde engagé de
36 ans, a dû fuir l’Iran début 2013 pour
échapper à la prison. Il part pour l’Australie,
synonyme de liberté. Arrivé en Indonésie, il est
pris en charge par des passeurs qui le font embarquer, avec une
soixantaine d’autres candidats à l’asile, sur un
bateau de pêche. Après avoir échappé de peu
au naufrage, les migrants sont récupérés par un
navire militaire australien et envoyés sur l’île de
Manus, terminus du voyage. L’asile en Australie est une
chimère, le retour en Iran hors de question. Boochani est
tombé dans un puits d’oubli. Il est arrivé quatre
jours après l’entrée en vigueur de la
loi anti-immigration particulièrement cruelle
adoptée par les conservateurs australiens. Plutôt que
d’accueillir des réfugiés et pour décourager
les candidats, l’Australie sous-traite ses migrants à la
Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le camp de Manus, cette “ prison de saleté et de chaleur ”, fait penser aux camps de détention japonais de soldats alliés pendant la guerre du Pacifique.
[…]
Boochani
termine son manuscrit un mois après la fermeture du camp de
Manus, le 31 octobre 2017, décrété
illégal par les autorités locales. Sans papiers et
refusant de retourner en Iran, il est ensuite détenu à
Port Moresby, capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Son
livre est publié en juillet 2018 chez
l’éditeur australien Picador, sous le titre No Friend But the Mountains (“ pas d’autre ami que les montagnes ”), une référence au sort du peuple kurde.
[…]
Le
14 novembre [2019], Boochani a pu quitter pour la première
fois depuis six ans la Papouasie-Nouvelle-Guinée à
l’occasion d’une invitation à un festival
littéraire à Christchurch (Nouvelle-Zélande).
Il compte déposer une demande d’asile dans un autre pays
que l’Australie 1.
[…]
☐ Le Monde, 21 décembre 2019 [en ligne]
1. | Behrouz
Boochani a obtenu en juillet 2020 le statut de réfugié en Nouvelle-Zélande. |
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EXTRAIT |
La
prison ressemble à une ménagerie remplie d’animaux
de couleurs et d’odeurs diverses. Pendant tout un mois, ces
animaux — ces hommes — ont été
entassés dans une cage au sol en terre battue. Cette prison
grouille de tant d’individus qu’on a l’impression de
les entendre jacasser jusque dans les branches des arbres et sur le
toit des sanitaires. Il y a des gens dans tous les recoins de
l’enceinte — même près du petit bourbier,
derrière les toilettes. Au coucher du soleil, quand l’air
se rafraîchit et que les palmes de cocotiers se mettent à
danser, le camp devient un bon endroit pour déambuler. La
plupart des prisonniers préfèrent sortir de leurs
chambres. (…) C’est une jungle peuplée de gens qui
se regroupent de manière étrange.
☐ p. 145 — extrait cité par Christophe Ayad (Le Monde, 21 décembre 2019) |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « No friend but the mountains : the
true story of an illegally imprisoned refugee » compiled and
translated from Farsi by Omid Tofighian, Sydney : Picador
Australia, 2018 ; London : Picador, 2019 ;
Toronto : Anansi, 2019
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mise-à-jour : 13 janvier 2021 |
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