Quand Dieu apprenait le dessin
/ Patrick Rambaud. - Paris : Grasset, 2018. -
279 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-246-81486-3
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Comme
il naviguait non loin d'Aquilée, Marc (…) eut une
vision.
Un
ange surgit du ciel et lui dit :
“ Paix
à toi, Marc mon évangéliste, c'est ici
que tu
reposeras pour
l'Éternité ! ”
☐ La
légende, p. 277 |
NOTE DE L'ÉDITEUR : Au
début du IXe
siècle, “ nous étions
à
l’âge des ténèbres. Le palais
des doges
n'avait pas encore remplacé la lourde forteresse
où
s'enfermaient les ducs. Les Vénitiens étaient ce
peuple
de marchands réfugiés dans les lagunes, pour se
protéger des barbares. Ils ne voulaient pas affronter des
ennemis mais cherchaient des clients : aux uns, ils vendaient
des
esclaves, aux autres du poivre ou de la soie. Leur force,
c'étaient les bateaux — dans une Europe
encore aux
mains des évêques et des
Papes. ”
Venise
la récalcitrante excite les convoitises et
s'exaspère du
pouvoir de Rome. Le 31 janvier 828, le doge de Rialto envoie deux
tribuns en mission à Alexandrie pour ramener par tous les
moyens
la dépouille momifiée de saint
Marc … Sous la
protection d'un évangéliste de cette
renommée,
Venise pourra traiter d'égale à égale
avec Rome et
fonder ainsi une république de mille
ans … Le roman
d'une époque méconnue, racontée avec
brio et
ironie.
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EXTRAIT |
Ils
découvrent la lagune après Altino, ancienne ville
envahie
par les mousses et les chardons. Au bas de la via Claudia, Rustico
tombe à genoux de contentement et de fatigue : il
revient
au paradis. Thodoald a du mal à cacher sa
stupéfaction,
parce que aucun récit, surtout enjolivé par un
cœur, ne sait correspondre vraiment à la
réalité qu'on voit et qu'on touche. En face,
c'est
Torcello. Dans cette étendue d'eau verte et mouvante, de
l'émeraude au tendre, on note les taches mauves des
bruyères, le chaume des toits, la masse blanche des
églises en pierre d'Istrie. C'est une poussière
d'îlots que relient des ponts souvent sommaires, un vaste
marécage où les hommes et les bêtes
paraissent
flotter à l'aise. Une silhouette au loin marche entre deux
îles, de l'eau jusqu'au mollet, et elle croise un long bateau
qui
avance à la godille, lentement, se faufile entre des
bouquets de
roseaux. Le même paysage se répète, on
comprend mal
à première vue si la mer et les fleuves qui
dégringolent rapidement des Alpes ont inondé des
terres
ou si la terre a gagné sur l'eau. Tout au fond, une mince
bande
de sable et de pins boucle l'horizon, une digue naturelle, une bande
côtière qui prévient :
au-delà il y a
les vagues de l'Adriatique. Cela ne ressemble pas à un lac,
ni
à un marais, ni à une mer intérieure
mais à
tout cela en même temps. Le paysage a dû
être
créé pour les oiseaux, les moustiques et les
pêcheurs dont on aperçoit les cahutes
perchées sur
leurs minces pilotis. Les mouettes viennent de Constantinople et ne
sont pas étonnées. Les autres voyageurs le sont.
“ Tu ne dis rien ?
demande Rustico à son compagnon.
—
Tu peux lire ma surprise dans ma mine et mes gestes répond
Thodoald.
—
Nous sommes au centre du monde.
—
Du monde connu, rectifie Thodoald pour agacer le tribun.
—
Le connu est derrière nous et je n'ai d'ailleurs pas envie
de le
connaître trop : ça me
gâcherait la joie de
vivre. L'inconnu, eh bien, prends un bateau, va où la mer te
porte. ”
☐ pp. 107-108 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Le dernier voyage de San Marco », Paris :
Balland, 1990
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- «
Mururoa mon amour » de Marguerite Duraille,
présenté par Patrick Rambaud, Paris : JC
Lattès, 1995
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mise-à-jour : 26
octobre 2018 |
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