LE MONDE DES LIVRES, 11 octobre 2002 : Une « île au bout de
rien », abandonnée aux rennes à
l'œil morne, aux mouettes carnassières et à un
peuple oublié du continent, dont l'usine, forteresse inquiétante,
ne veut même pas employer les hommes. Une terre polaire,
blanche et glacée, où les mystères glissent,
sans effroi sur les consciences.
Du continent, si proche et pourtant inaccessible,
viennent aussi par cargo des pilules prétendument capables
de conjurer le « Grand Malheur »
de Nikko. L'enfant est unique, seule survivante d'une génération
de nouveau-nés pléthorique qui s'évanouit
aussi énigmatiquement qu'elle était apparue. […]
Victime empoisonnée comme la mer et la terre du lieu,
témoin quasi-muet d'une violence indicible, Nikko est
résolument en marge. Ce que son exceptionnelle lucidité
et une « intuition magique », « un
flirt avec l'enchantement » radicalisent encore.
Miraculée, elle cherche seule son issue, digérant
fables et rumeurs, osant la fréquentation des hommes pour
élire celui qui offrira le salut, la fuite ou la maternité.
Car il n'est guère d'autre voies pour le feu qu'elle porte,
étrangère à l'emprise des glaces. Destinée
à une débacle toute personnelle, optant pour le
silence contre l'emphase et la violence d'un monde bloqué,
usant des détours et des lacets de la patience pour affronter
un grand Blanc qui aveugle, Nikko s'applique à écrire
la première page d'un livre neuf.
☐ Philippe-Jean Catinchi
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