L'île
/ Meša Selimović ; traduit du serbo-croate (Serbie)
par
Alain Cappon. - Paris : Phébus, 2013. -
206 p. ;
21 cm. - (Littérature
étrangère).
ISBN
978-2-7529-0587-1
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Ici,
à deux pas de la mer, étincelante
l'été, grise et morne l'hiver,
ils vivent tous les deux, depuis des années, une succession
d'années par trop longue,
ils auraient pu oublier tous les événements
survenus, car ils datent de loin,
mais ils n'ont pas oublié, voués qu'ils sont au
souvenir.
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Exil, p. 7 |
Recueil de nouvelles pour certains, roman pour son
auteur : dans L'île
se suivent de brefs récits où un homme et une
femme qui
ont atteint l'âge de la retraite tentent de vivre dans la
précarité et l'angoisse d'un monde rude. La
chronologie
n'ordonne pas l'enchaînement des récits, mais la
discontinuité dans le cours des
événements fait
émerger avec une force accrue d'autres facteurs de
cohésion. Des pans de vie s'éclairent, des
espoirs ou des
peurs se font écho ; Ivan et Katarina s'interrogent
sur les
enjeux qui donnent sens à la vie, et souvent
déchantent
face aux réponses qui tombent comme autant de sentences,
dérisoires ou sinistres.
Une jeune femme prend son bain
dans une crique discrète ; une troupe de chevaux
sauvages
court librement sur les hauteurs de l'île ; des
dauphins
jouent dans l'eau calme d'une anse. Mais au premier regard
extasié succède une chute, triviale parfois ou
lourdement
douloureuse : la jeune femme attend un amant venu du
continent ; les chevaux sont promis à
l'abattage ; la danse
magnifique des dauphins n'est pas une parade nuptiale mais
une manœuvre de chasse — le jeu de la vie et de la mort.
Cette
toile sombre s'éclaire pourtant d'éclats qui
contiennent
le risque du désespoir. Si la mort rôde sans
répit,
la vie parvient avec non moins de constance à se frayer des
voies nouvelles. À chaque danger esquivé peut
faire suite un jour
ordinaire. ❙ | Meša
Selimović est né le 26 avril 1910 à Tuzla et mort
à Belgrade le 11 juillet 1982. Après des études de
philosophie, il a participé, dès 1941, au comité
national de Libération. Son œuvre, qui comporte des
romans, un essai, des recueils de nouvelles et des mémoires, lui
a valu les plus hautes récompenses de son pays. Le Derviche et la mort (L’Imaginaire, Gallimard, 2004), La Forteresse (Le Serpent à plumes, 2007) et L’Île,
publié en 1974, firent de Meša Selimović un classique
dans son pays, à l’égal d’Ivo Andrić. |
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EXTRAIT |
Il se
tient dans l'eau stagnante.
Et
songe, nonchalamment : la mer, chemin sans obstacles, route
sans
frontières, mère de la latitude, père
du libre
vagabondage.
Prendre la
mer et partir dans l'inconnu. Un jour.
Abandonner
cette falaise de pierre brûlante sur laquelle même
le lézard expire,
et cette
herbe solide, grillée, sans suc, autour
de
laquelle seules les couleuvres s'enroulent,
et cette
vilaine masure où la joie se meurt,
et ce coin
mort où il n'est nulle noblesse,
ni amour,
ni même désir.
Je ne me
transformerai pas en pierre cendrée.
Il s'est
avancé dans un haut-fond, et s'arrête saisi par la
mer jusqu'aux chevilles.
Un jour je
partirai.
Où ?
N'importe
où.
Quand ?
Jamais.
Dès
que le diable de l'exactitude en vient à murmurer des
questions
bien précises, l'imagination cesse. Demeure la tristesse.
Demeure la
vie autour de nous.
Le
mauvais temps se préparait quelque part dans les lointains,
dans
les hauteurs, dans les profondeurs, quel dommage s'il
évitait
l'île, qu'au moins la chaleur étouffante baisse,
qu'au
moins il se passe quelque chose !
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Exaltation, pp. 18-19 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Ostrvo
», Beograd : Prosveta, 1974
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mise-à-jour : 13
décembre 2013 |
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