6ème édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2004)
ouvrage en
compétition |
Sicile / Guy de
Maupassant ; texte choisi et présenté
par Émilie Cappella. - Paris : Éd.
Magellan & Cie, 2004. - 73 p. ;
18 cm. - (Heureux qui comme …).
ISBN : 2-914330-55-3
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ÉMILIE
CAPPELLA
: Lorsqu'il ne voyageait pas en Afrique du Nord comme
grand reporter pour des journaux comme Gil Blas et Le
Gaulois, Maupassant s'échappait vers l'autre
Méditerranée : la Corse, la
Côte d'Azur, l'Italie, la Sicile … avide
de ce soleil écrasant qui éclaircit ses
pensées : « L'air et
le climat font la conquête de notre chair, malgré
nous, et la lumière gaie dont il est inondé tient
l'esprit clair et content, à peu de frais. Elle entre en
nous à flots, sans cesse, par les yeux, et on dirait
vraiment qu'elle lave tous les coins sombres de
l'âme ». […]
Avec le récit de
son voyage en Sicile, un désenchantement discret se devine
dans l'ombre de l'admiration. Si ce texte paraît
écrit par un contemporain, c'est qu'il est dominé
par l'exaltation du citadin que la ville a rendu malade. Les temples
antiques isolés dans une campagne aride et sauvage
représentent pour lui la beauté
idéale, antithèse de l'esthétique
parisienne déjà décadente.
[…]
Face aux beautés
architecturales de l'île qu'il appelle « demeure
des dieux et du diable », Maupassant
éprouve la nostalgie de la beauté antique et le
dégoût de sa propre civilisation qui a perdu le
sens du beau, enlaidie par l'industrie et ses bourgeois […]
Loin cependant de s'abandonner
à ses émotions, Maupassant offre aux lecteurs un
véritable guide des merveilles siciliennes qui ne
paraît pas démodé aux voyageurs
d'aujourd'hui. Des Catacombes de Palerme, dont il donne une superbe
description, à la Vénus de Syracuse qui attise
son désir et se prête à une digression
sur l'amour vain des poètes, le narrateur nous guide avec la
ferveur et le savoir d'un passionné.
☐ Introduction,
pp. 9-12
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EXTRAIT |
Un homme n'aurait à passer qu'un jour
en Sicile et demanderait : « Que faut-il y
voir ? » Je lui répondrais sans
hésiter :
« Taormine ».
Ce n'est rien qu'un paysage, mais un paysage
où l'on trouve tout ce qui semble fait sur la terre pour
séduire les yeux, l'esprit et l'imagination.
Le village est accroché sur une grande
montagne, comme s'il eût roulé du sommet, mais on
ne fait que le traverser, bien qu'il contienne quelques jolis restes du
passé, et l'on va au théâtre grec, pour
y voir le coucher du soleil.
J'ai dit, en parlant du
théâtre de Ségeste, que les Grecs
savaient choisir, en décorateurs incomparables, le lieu
unique où devait être construit le
théâtre, cet endroit fait pour le bonheur des sens
artistes.
Celui de Taormine est si merveilleusement
placé qu'il ne doit pas exister, par le monde entier, un
autre point comparable. Quand on a
pénétré dans l'enceinte,
visité la scène, la seule qui soit parvenue
jusqu'à nous en bon état de conservation, on
gravit les gradins éboulés et couverts d'herbe,
destinés autrefois au public, et qui pouvaient contenir
trente-cinq mille spectateurs, et on regarde.
On voit d'abord la ruine, triste, superbe,
écroulée, où restent debout, toutes
blanches encore, de charmantes colonnes de marbre blanc
coiffées de leurs chapiteaux ; puis, par-dessus les
murs, on aperçoit au-dessous de soi la mer à
perte de vue, la rive qui s'en va jusqu'à l'horizon,
semée de rochers énormes, bordée de
sables dorés, et peuplée de villages
blancs ; puis à droite, au-dessus de tout, dominant
tout, emplissant la moitié du ciel de sa masse, l'Etna
couvert de neige, et qui fume, là-bas.
Où sont donc les peuples qui sauraient,
aujourd'hui, faire des choses pareilles ? Où sont
donc les hommes qui sauraient construire, pour l'amusement des foules,
des édifices comme celui-ci ?
Ces hommes-là, ceux d'autrefois,
avaient une âme et des yeux qui ne ressemblaient point aux
nôtres, et dans leurs veines, avec leur sang, coulait quelque
chose de disparu : l'amour et l'admiration du Beau.
☐ pp. 51-52
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La
Sicile » a été
publié initialement dans La Nouvelle Revue
le 15 novembre 1886
- Sous le
titre
« En Sicile »
(Bruxelles : Complexe, 1993), le texte est suivi de trois
articles parus en janvier 1890 dans L'Écho de Paris :
« Lassitude »,
« La nuit » et
« La côte italienne ».
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- «
Une vie », Paris :
Victor Havard, 1883 (très nombreuses
rééditions)
- « Contes
du jour et de la nuit », Paris : Gallimard
(Folio,
1558), 1984 ; Flammarion (GF, 292), 1997 ;
Maxi-livres, 2005
- « Chroniques
insulaires », Bastia : Marzocchi, 1987
- « Un
bandit corse et autres contes », Bastia :
Marzocchi, 1993
- « Histoire
corse, Un bandit corse, Une vendetta »,
Marseille :
Via Valeriano ; Ajaccio : La Marge, 1993
- « La
Corse » textes réunis et
présentés par Cyrille Colonna d'Istria,
Ajaccio : La Marge, 2003
- « La
Corse » nouvelles et récits
présentés par Jean-Dominique Poli,
Ajaccio :
Albiana, 2007
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- «
Jacques
Bienvenu (dir.), « Maupassant et les pays du
soleil » actes de la rencontre internationale de
Marseille, 1er
et 2 juin 1997, Paris : Klincksieck (Actes et colloques, 59),
1999
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mise-à-jour : 20
février 2020 |
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