parutions 2002

Après un hommage ému de Pascal Marchetti-Leca à sa grand-mère — « longtemps, aussi longtemps que je vivrai, l'Île aura sa voix » —, cet album photographique met en regard les paysages corses et les textes de voyageurs d'hier.

Une vue du Monte Cinto enneigé oppose un démenti au commentaire peu amène de Sénèque l'exilé ; la citadelle de Corte, au crépuscule, s'accompagne d'une rapide annotation de Jean Lorrain ; René Bazin s'émerveille à Bastia, puis ajoute « mais celui qui a vu Bonifacio a vu une merveille » ; Flaubert oppose l'esprit des Corses — « il y a en eux un mélange de Montaigne et de Corneille » — et l'esprit français ; Diodore de Sicile semble commenter un cliché du désert des Agriates.

L'ouvrage se referme sur la pointe du Timon au couchant ; comme pour répondre à l'invite qui émane de l'image, les auteurs ont choisi une réflexion de V.S. Naipaul : « Etre insulaire, être né dans une civilisation d'îles, cela veut dire qu'on est séparé, éloigné, écarté des autres (…). Leurs frontières, c'est la mer, et la mer n'est pas une véritable frontière ».

La voiture allait au trot, au grand trot ; puis elle s'engagea dans la montagne. Une odeur fraîche et puissante d'herbes aromatiques entrait par les vitres baissées, cette forte odeur que la Corse répand autour d'elle, si loin que les marins la reconnaissent au large, odeur pénétrante comme la senteur d'un corps, comme une sueur de la terre verte imprégnée de parfums, que le soleil ardent a dégagés d'elle, a évaporés dans le vent qui passe. ☐ Guy de Maupassant, Le Rosier de Madame Husson

• Pascal Marchetti-Leca, « Innominata », Ajaccio : DCL éditions, 2001