NOTE DE L'ÉDITEUR

“ Les vicissitudes de la race israélite, le caractère particulier de sa présence en Sicile, où elle constituait une société à part, tout à la fois se distinguant et s'accordant à l'ensemble de la société d'alors, l'annonce de l'expulsion féroce, les vains efforts locaux pour tenter d'y surseoir, les effets qui en découlèrent, peuvent susciter aujourd'hui encore curiosité et intérêt. La liberté de conscience est désormais inscrite au premier chapitre de nos droits civils et politiques, mais nous ne considérons pas pour autant inopportun et superflu de tirer des mémoires passées de notre terre italienne un épisode moins connu, pour l'adjoindre à ces autres que nous offrent bien malheureusement les annales de l'Europe moderne. ” Cet essai [Gli Ebrei siciliani, 1870], œuvre du grand historien sicilien admiré par Leonardo Sciascia, retrace l'histoire des Juifs siciliens depuis leur arrivée dans l'île jusqu'à leur expulsion par l'Inquisition. La Lumia met en évidence la façon dont les motifs économiques et religieux se sont mêlés pour aboutir à la disparition de la communauté juive, dont le départ causa le déclin irrémédiable de l'île.

LA LETTRE SÉPHARADE

On apprend entre autres qu’en 1487, lorsque l’Inquisition espagnole succéda à l’Inquisition papale, les motifs de persécution contre les Juifs ne changèrent guère : ils étaient de plus en plus politico-économiques — les Juifs étaient purement rançonnés avant expulsion — et de moins en moins politico-religieux. Cette alliance objective entre l’inquisition et les classes influentes contre les Cours et le vice-roi était pour le souverain d’Espagne un moyen de régner en divisant et de mieux contrôler ledit vice-roi. L’auteur y voit (n’y avait-il pas en 1577 vingt-cinq mille “ familiers de l’Inquisition ” en Sicile, alliance de criminels, de nobles et de riches ?) un état dans l’Etat qui préfigure bien déjà ce qui deviendra la mafia plus tard, et qui perdure … ☐ La Lettre Sépharade, 10, juin 1994 [en ligne]