Périple des
îles tunisiennes / Armand Guibert ; éd.
établie et préfacée par Alfred
Eibel ; postface par Michèle Laforest. -
Paris : L'Esprit des péninsules, 1999. -
138 p. ; 21 cm.
ISBN 2-910435-61-X
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J'ai des souvenirs d'îles
comme on a des souvenirs d'amour.
(avec
amende honorable au père d'Archibald Olson Barnabooth.)
☐
Appareillage,
p. 15
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Armand Guibert a une trentaine
d'années quand il confesse dans ce
recueil un penchant absurde et délicieux pour
les îles tunisiennes. C'était hier ou presque, peu
avant la seconde guerre mondiale, mais les rencontres qu'il fait
— à Djerba, aux Kerkena, à
Zembra et
à La Galite — semblent contemporaines des
temps
bibliques ou homériques, non que l'auteur
détourne son regard du temps et des marques qu'il laisse,
mais parce que rien encore n'était parvenu à
altérer le lien unissant femmes et hommes au lieu de leur
séjour : “ tout est pur
d'une pureté de genèse ”.
Pourtant ces îles
avaient, comme tout autre lieu du bassin
méditerranéen, subi les conséquences
d'une histoire tourmentée, dont témoigne par
exemple à Djerba le souvenir d'un sinistre
édifice, une “ pyramide de
trente pieds faite de tibias et de crânes ”
édifiée en 1560 par le corsaire barbaresque
Dragut avec les dépouilles des forces du duc de
Medina-Coeli, vice-roi de Sicile qui tentait d'établir dans
l'île un avant-poste de la chrétienté.
La tour fut abattue trois siècles plus tard, ce que
déplore Armand Guibert : “ Djerba
peut m'enchanter par la paix de ses jardins et la pureté de
son ciel : il manque à sa
vérité la Tour des
Crânes ”.
Rappel nécessaire
qui, par contraste, assure la portée d'observations moins
sombres. A Djerba toujours, “ on trouve
plus de divin dans l'air que dans le bruit et l'étouffement
du temple ” ; dans l'archipel des
Kerkena, “ le rythme calme de la vie
entretient … cette vertu supposée
mineure … la gentillesse ”.
Au fil des îles, le périple d'Armand
Guibert se déploie comme dans “ un
de ces paysages … où cheminent les
héros en quête de
vérité ”.
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Poète,
essayiste, traducteur — il fit ainsi
découvrir
Fernando Pessoa en France —, Armand Guibert
(1906-1990) fut
porté aux nues par Aragon, Camus, Gide, Valéry,
Jules
Roy, Montherlant, Milosz, Henri Bosco, ou encore Léopold
Sedar
Senghor pour qui l'œuvre de ce grand voyageur
était
marquée par “ la
Méditerranée,
l'Égypte, l'Afrique musulmane, la Bible et le meilleur de la
poésie des troubadours ”. |
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EXTRAIT |
C'est le temps des fruits ; la cueilleuse
aux joues tatouées de croix bleues, fringante comme un
chamelon, se hâte vers le village avec sa charge d'abricots
odorants. Etroite est la piste entre les cactus qui
délimitent les champs : les rencontres y sont
inévitables. La jeune femme, à la vue de
l'étranger, dépose sur le sable sa corbeille.
Est-ce une Aïcha ? — ce sont les plus
belles ; une Fatma ? — on les dit faciles.
Celle-ci, un sourire éclairant son biblique visage, n'a
qu'un geste d'offrande, une mimique embrassant et ma bouche et les
fruits. A l'adresse de l'un des siens, son geste serait
d'effronterie : pour moi, qui passe, il est exigé
par le rite d'une très antique hospitalité. Je
dois, sous peine de la désobliger, mettre au pillage la
corbeille tandis qu'elle me considère en riant comme une
divinité du jour. Elle repart, plus
légère sous sa charge réduite,
harmonieuse et droite comme une Korè.
☐ Les
îles Kerkena ou le dernier paradis, p. 72
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Périple
des îles tunisiennes », Tunis :
Monomotapa, 1938
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- « Rupert
Brooke », Gênes : E. Degli Orfini
(Collana della nuova cultura, 3), 1933
- « Notre
frère Rabearivelo », Alger :
Edmond Charlot, 1941
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- Roy
Campbell, « Adamastor »
traduit et
préfacé par Armand Guibert, Tunis
: Editions de Mirages (Les Cahiers de Barbarie, 12), 1936
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mise-à-jour : 8
avril 2018 |
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