6ème édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2004)
ouvrage en
compétition |
Les Cyclades / Arthur de
Gobineau ; texte choisi et présenté par
Émilie Cappella. - Paris : Éd. Magellan
& Cie, 2004. - 77 p. ; 18 cm. -
(Heureux qui comme ...).
ISBN : 2-914330-62-6
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ÉMILIE
CAPPELLA
: Akrivie Phrangopoulo met en
scène la conversion amoureuse d'un gentleman dans les
Cyclades. À Naxos naît le sentiment ;
à Antiparos l'amoureux désespère,
à Santorin l'intelligence éclaire l'amour.
Chacune de ces îles devient donc le
théâtre d'un crescendo amoureux dramatique. Mais
ce qui se joue dans cet amour aux péripéties
très simples, davantage que la conquête d'une
femme, c'est le retour à la pureté originelle
d'un homme trop raffiné par la civilisation.
Le thème de la
pureté originelle nourrit les descriptions de
l'île et des mœurs de ses habitants, mais il
caractérise surtout l'objet aimé. La belle
Akrivie représente une Ève, une femme neuve,
capable donc de régénérer le gentleman
blasé. […]
Du documentaire nous retenons
l'histoire politique de l'île malmenée avec astuce
par quelques blagues sur les costumes des habitants. Du reste,
à un niveau symbolique, l'habit représente trop
la civilisation pour que Gobineau ne lui préfère
pas la nudité impeccable rehaussée d'un modeste
ornement ; ainsi compare-t-il l'île et la
femme : « Aucune île
grecque n'est si absolument dénudée qu'elle ne
possède quelque peu de verdure à
l'intérieur, et, comme ces belles personnes à qui
le moindre ornement suffit, le plus petit buisson donne soudain
à un coin de paysage une grâce
inimitable ».
☐
pp. 8-9
❙ |
Le souvenir d'Arthur de Gobineau (1816-1882),
diplomate et écrivain proche de Tocqueville, est
indissociable de son Essai
sur l'inégalité des races humaines
(1853, 1855) dont le principal mérite demeure d'avoir
suscité quelques réfutations fameuses, au nombre
desquelles De
l'égalité des races humaines de
l'Haïtien Joseph Anténor Firmin. |
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EXTRAIT |
« Voilà le volcan de
Santorin ! » dit Norton en
étendant le bras, et il regarda la jeune fille, curieux de
voir la sensation qui allait se peindre sur ce charmant visage.
Son espérance ne fut pas
trompée. L'effet produit fut instantané et
sublime. Une admiration profonde se marqua dans les beaux traits qu'il
examinait avec passion ; Akrivie parut grandir devant la
merveille offerte à sa vue. Rien de mesquin, aucune
curiosité banale, aucune prétention maladroite
d'émotion factice, aucune exclamation niaisement admiratrice
ne sortit de ces belles lèvres serrées. Tout fut
sincère, franc, comme la causse de l'émotion
était elle-même digne de l'inspirer. Il ne se peut
rien voir, en effet, de plus complètement beau que le
spectacle qui s'étala bientôt dans toute sa
magnificence aux yeux des spectateurs de l'Aurora.
[…] Akrivie passa la moitié
de la nuit sur le bastingage, ne pouvant se détacher des
émotions qui la saisissaient si puissamment. Elle ne
tarissait pas en questions sur les causes du
phénomène, sur ses effets probables. Norton lui
expliquait tout de son mieux et cherchait à lui rendre
compréhensibles les résultats les plus simples
des théories scientifiques : il n'y parvenait
guère, et il s'aperçut bientôt
qu'Akrivie accueillait avec quelque dédain l'exposition des
causes trop misérablement disproportionnées, trop
humbles pour convenir aux impressions extrêmes dont son
âmes était possédée. Il
démêla sans peine qu'elle aurait cru beaucoup plus
volontiers à ses discours s'il lui avait parlé de
géants coupables ensevelis sous les eaux afin d'expier leurs
crimes, et soufflant leur désespoir, ou de dieux en travail
pour étonner l'univers.
☐ pp. 62-64
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Arthur
de Gobineau, « Souvenirs de voyage :
Céphalonie, Naxie et Terre-Neuve »
(réunit Le mouchoir rouge, Akrivie Phrangopoulo
et La chasse au caribou), Paris : Plon,
1872
- Arthur
de Gobineau, « Akrivie Phrangopoulo », in Le mouchoir rouge, et autres
nouvelles, Paris : Classiques Garnier
(Classiques jaunes, Littératures francophones, 519), 2019
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mise-à-jour : 3 mai
2019 |
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