Les
poissons ne ferment pas les yeux / Erri De Luca ; trad. de
l'italien par Danièle Valin. - Paris : Gallimard,
2013. -
128 p. ; 19 cm. - (Du Monde entier).
ISBN
978-2-07-013911-8
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Quando
torno ad Ischia le ordino di essere perfettamente uguale a come era, e
lei, la mia fattucchiera, mi obbedisce.
☐ Erri De Luca — site
isoladischia |
NOTE DE L'ÉDITEUR : À
travers l'écriture, je m'approche du moi-même d'il
y a
cinquante ans, pour un jubilé personnel. L'âge de
dix ans
ne m'a pas porté à écrire,
jusqu'à
aujourd'hui. Il n'a pas la foule intérieure de l'enfance ni
la
découverte physique du corps adolescent. À dix
ans, on
est dans une enveloppe contenant toutes les formes futures. On regarde
à l'extérieur en adultes
présumés, mais
à l'étroit dans une taille de souliers plus
petite. — Erri De Luca
Comme
chaque été, l'enfant de la ville
qu'était le
narrateur descend sur l'île y passer les vacances estivales.
Il
retrouve cette année le monde des pêcheurs, les
plaisirs
marins, mais ne peut échapper à la mutation qui a
débuté avec son dixième anniversaire.
Une fillette
fait irruption sur la plage et le pousse à remettre en
question
son ignorance du verbe aimer que les adultes exagèrent
à
l'excès selon lui.
Mais il
découvre aussi la
cruauté et la vengeance lorsque trois garçons
jaloux le
passent à tabac et l'envoient à l'infirmerie le
visage en
sang. Conscient de ce risque, il avait volontairement offert son jeune
corps aux assaillants, un mal nécessaire pour faire exploser
le
cocon charnel de l'adulte en puissance, et lui permettre de contempler
le monde, sans jamais avoir à fermer les yeux.
Erri De
Luca offre ici un puissant récit d'initiation où
les
problématiques de la langue, de la justice, de l'engagement
se
cristallisent à travers sa plume. Arrivé
à l'âge
d'archive,
il parvient à saisir avec justesse et nuances la mue de
l'enfance, et ainsi explorer au plus profond ce passage fondateur de
toute une vie.
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EXTRAIT |
À huit ans, après ma
première communion
j'allais à l'église le dimanche, tout seul. Papa
était socialiste, maman n'aimait pas le rite et ma
sœur
était trop petite pour venir avec moi, je ne pouvais pas
contrôler son impétuosité. Sur
l'île, je
cessais d'aller à la messe. En ville, c'était un
endroit
où l'on respirait bien. On disposait d'un espace d'air
au-dessus
de la tête, de distance entre les gens, le vacarme de la rue
se
réduisait au reste d'une vague dans un coquillage. Sur
l'île, on n'avait pas besoin de ça.
L'île
était une main ouverte, en septembre les vignes
étaient
gonflées, elles demandaient à être
cueillies. La
grappe écrasée dans la bouche, un grain
à la fois,
pieds nus l'après-midi sur la terre heureuse des pas d'un
enfant : c'était le plus juste des remerciements
auquel ne
parvenait aucune prière.
Le
livre des Anglais parlait d'autres îles,
affleurées dans
la vaste étendue de l'hémisphère Sud,
qui n'est
que de l'eau ou presque. Il rapportait des nouvelles de
l'immensité angoissante pour les hommes qui ne sont pas
nés là. L'écrivain était un
expert de ce
monde de Blancs en sueur, envoyés gouverner des peuples
prompts au sourire et au couteau. L'île
où
j'habitais avait une bonne taille pour moi, comme la
Méditerranée, qui est grande mais
gardée dans le
giron des terres. Après ces plages d'enfance aucun tropique,
l'Océanie m'a attiré. L'île a
comblé mon
désir ce cet ailleurs.
☐ pp.
42-43 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
I pesci
non chiudono gli occhi », Milano :
Feltrinelli (Narratori), 2011
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- «
Acide, arc-en-ciel », Paris : Rivages,
1994 ; Rivages
(Rivages poche, 201), 1996 ; Gallimard (Folio, 5302), 2011
- « Alzia »,
Paris : Payot & Rivages, 1998 ; Payot & Rivages
(Rivages poche, 382), 2002
- « Histoire d'Irène »,
Paris : Gallimard (Du Monde entier), 2015
- « Sur
la trace de Nives », Paris : Gallimard,
2006 ; Gallimard (Folio, 4809), 2008
- «
Tu, mio », Paris : Payot & Rivages,
1998 ; Payot & Rivages (Rivages poche, 315), 2000
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mise-à-jour : 19
mai 2015 |
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