Le cinquième
pas est l'adieu / Sergio Atzeni ; traduit de l'italien (Sardaigne)
par Marc Porcu. - Lyon : La fosse aux ours, 2002. - 220 p. ; 21 cm.
ISBN 2-912042-54-2
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LE
MATRICULE DES ANGES, n° 041, novembre-décembre
2002 : [...]
Bouffonneries et tirades scatologiques
rythment mésaventures et pérégrinations
de Ruggero le pedzouille, « né à Cagliari
un jour de pluie estivale sous le signe de la Vierge ».
De l'amour ros(s)e au roman noir, notre anti-héros, « trente-cinq
ans mal dépensés, sans l'ombre d'un métier
en main », en voit de toutes les couleurs sans que
Sergio Atzeni ne consente à sortir des frontières
de l'état de grâce littéraire qui était
sa seconde patrie. Les démêlés de Ruggero
avec son chef de bureau arracheraient un sourire à Alain
Juppé lui-même, certaines de ses répliques
feraient pâlir de jalousie jusqu'aux plus désabusés
des héros de Chandler […], et l'évocation de
ses amours réveillerait un mort : « La
lèvre inférieure de Monica, proéminente,
charnue, la bouche en apparence entrouverte, la fixité
des yeux (ils disent comme une attente, un appel), l'avidité
évoquée par le nez de faucon lui donnent l'expression
de quelqu'un qui a un trésor entre les jambes, déjà
pris … et à prendre avec envie ».
E.N.
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LIBÉRATION, juin 2000 : Son île, mais aussi l'Italie et le
monde, Sergio Atzeni les a cherchés en lui et dans les
mots qui peuvent les dire, et c'est dans la marge, avec allégresse
et mélancolie, qu'il a tracé un sillage reconnaissable.
En septembre 1995, la critique venait de saluer Le Fils de
Bakounine quand une vague emporta son auteur — âgé
de 43 ans — du rocher d'où il contemplait la mer
de Sardaigne en tempête.
Jean-Baptiste Marongiu
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EXTRAIT |
Ruggero se parle à lui-même :
« Tu fuis. Après trente-quatre ans tu t'arraches
à la terre où tu as aimé, souffert et fait
le couillon. Chaque coin de rue témoigne d'une de tes
joies, d'une douleur, d'une peur.
« En échange je serai libre. Le masque qu'ils
coudront sur moi, celui de l'étranger, de l'insulaire,
du mendiant, me dissimulera, occultera mon nom, je serai homme
parmi les hommes … Celui qui est bon a de la compassion
pour ses persécuteurs, il voit leur fragilité,
leurs blessures cachées et ne se plaint pas du mal qu'il
subit.
« Tu n'es pas bon. Maintenant seulement tu perçois
l'existence de la bonté. Parce que tu es vaincu. Tu as
été une bête, avide et féroce, tant
que tu en avais la force et qu'on te l'a permis. Maintenant tu
prends le masque de l'exilé, cachant le nom que pendant
des années tu as brandi comme si c'était un mérite.
« Non je n'ai jamais frappé par méchanceté.
Par négligence, peut-être, ou par aveuglement.
« Le nom disparaît, sauvegardé quelque
temps sur la pierre tombale. Et l'affaire est vite oubliée,
effacée par de nouvelles aventures d'idiots et de champions. »
Ruggero entend des voix de mères
qui depuis d'autres fenêtres du port appellent leurs enfants
sachant qu'ils ne rentreront pas avant le repas, des voix qui
modulent des noms dans le vent pour obtenir un « eh ? »
en réponse, preuve que les enfants ne se sont pas fracassé
la tête en plongeant dans la fontaine vide, ne se sont
pas noyés en mer et ne se trouvent pas dans les W.-C.
publics entre les sales mains d'un manipulateur.
Des prisonniers chantent derrière
les gueules de loup de leurs cellules perchées sur la
colline : « Je veux la liberté, mon avocat
à la potence, et Marianna cette nuit-même. »
Chœur de mères et de
galériens offert au Seigneur quand le soleil décline.
☐ pp. 9-10
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Il quinto passo
è l'addio », Nuoro : Ilisso, 2001
- « Le fils de Bakounine »,
Lyon : La Fosse aux ours, 2000 ; Paris : Phébus (Libretto, 345), 2011
- « La fable du juge
bandit », Lyon : La Fosse aux ours, 2001
- « Bellas mariposas »,
Cadeilhan : Zulma, 2002
- « Deux couleurs existent
au monde, le vert est la seconde : voyage en compagnie de
Vincent », Genouilleux : La Passe du vent, 2003
- « Récits avec
bande-son », Lyon : La Fosse aux ours, 2004
- « Nous passions sur la terre, légers », Arles : Actes sud, 2010
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mise-à-jour : 5 avril 2010 |
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