10ème
édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2008)
ouvrage
en compétition |
Joseph
Zobel : le cœur en Martinique et les pieds en
Cévennes / José Le Moigne ; préface de
Raphaël Confiant ; photographies de Christine Le
Moigne-Simonis. - Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2008. -
172 p. : ill. ; 22 cm. ISBN 978-2-84450-334-3
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| Joseph
prend son souffle. Il baisse la tête, ferme les yeux, et soudain,
comme le son échappé de la flûte des mornes appelle
au marronnage, sa voix, fragile et forte, nous rappelle qui nous sommes
et d'où nous venons.
p. 54 |
C'est
en 2002, au Salon du Livre de Paris, que José Le Moigne a fait
la connaissance de Joseph Zobel (1915-2006). Une solide amitié
se tisse entre les deux Martiniquais ; à José Le
Moigne éprouvé par de douloureuses épreuves,
Joseph Zobel tend une précieuse ligne de vie.
Empreint
d'une forte charge affective, le livre qui relate ce compagnonnage
mêle les parcours de l'auteur secoué par la tourmente et
de son ami sage et serein — que l'âge va pousser vers
la mort. Les pages les plus graves sont consacrées aux
dernières rencontres ; Joseph Zobel s'est vu contraint de
quitter son oustaou d'Anduze
pour une maison de
retraite où, entouré de l'amitié respectueuse de
tous, il fait figure de roi en exil : « que ce soit en
maison de retraite ou ailleurs, on ne rend pas visite à Joseph
Zobel, c'est lui qui vous reçoit … » note
l'auteur pour qui le « profil impérieux »
de son ami évoque « un de ces pharaons noirs dont
nous parle l'Histoire ».
En préface Raphaël Confiant, après avoir rappelé l'étourdissant parcours d'un Ulysse noir ayant
renoncé à rejoindre son Ithaque (cf. ci-dessous),
souligne la richesse d'une personnalité ouverte au monde du
divers — « il avait acquis cette capacité
inouïe à habiter plusieurs identités à la
fois, ce que dénotait son accent, tantôt français,
tantôt africain, souvent créole, parfois
cévenol » — et l'amplitude du domaine
où, à côté de l'écriture,
s'exerçait sa maîtrise — « le
dessin, la poterie, la sculpture, et plus surprenant, l'ikébana
(art floral japonais) ». Ce n'est pas sans ferveur enfin que
Raphaël Confiant rend compte de sa première et unique
rencontre avec Joseph Zobel ; c'était en août 2003
à Ouessant, lors de la 5ème édition du Salon du Livre Insulaire.
L'ultime dérade de
Joseph Zobel s'est achevée le 17 juin 2006. « La
poterie, l'ikébana, l'écriture retrouvée aussi,
ont illuminé ses derniers jours dans la clarté sans
faille de l'été cévenol » (Raphaël
Confiant).
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RAPHAËL CONFIANT
: La trajectoire individuelle de Joseph Zobel a quelque chose de
surprenant. Parti, en effet, des champs de canne à sucre de
Petit Bourg (commune de Rivière-Salée) dans les
années 30 du siècle qui vient de s'achever, il gagna,
à l'instar du héros de son célèbre
roman La Rue Cases Nègres, le
petit José Hassam, la capitale de la Martinique, Fort-de-France,
pour y faire ses études secondaires. Ensuite, il émigra
dans celle de la métropole à une époque où,
dans les îles, régnait encore le régime colonial,
à bord du non moins célèbre paquebot Colombie dont
le nom résonne encore dans nos mémoires. Puis, il rallia
le continent d'origine de la majorité des Martiniquais, la
terre-mère, l'Afrique, plus précisément le
Sénégal où il devint conseiller du
président Léopold Sédar Senghor et homme de radio.
Final de compte, il regagna ce qui n'aurait plus dû s'appeler la
métropole puisqu'une loi en date de 1946, dont le rapporteur
à l'Assemblée nationale française fut Aimé
Césaire, chantre majeur de la Négritude, avait
transformé les quatre « vieilles »
colonies qu'étaient la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et
La Réunion en « départements français
d'Outre-Mer ».
On aurait pu penser que l'Ulysse noir,
bouclant en quelque sorte la boucle, aurait rejoint
définitivement son Ithaque-Martinique. Il n'en fut rien. En
effet, après un nouveau séjour à Paris, Joseph
Zobel se trouva un havre au cœur de la France profonde, dans les
Cévennes, et devint citoyen d'honneur du petit village d'Anduze
où il s'acheta un oustaou (ferme
dans le langage du coin, apparenté à l'occitan).
Là, au mitan d'un paysage de collines rondes et de
rivières babillardes qui lui rappelaient son île natale,
il délaissa l'écriture, lui qui avait publié des
chefs d'œuvre comme Les Jours immobiles, Laghia-de-la-mort ou encore Diab'la,
pour les arts dits manuels : le dessin, la poterie, la sculpture,
et plus surprenant, l'ikébana (art floral japonais). C'est sa
nouvelle vie à Anduze que nous donne à voir et à
sentir le beau livre de celui qui allait devenir son fils spirituel,
celui qui se surnomme lui-même le Breton noir. José Le
Moigne. On y découvre un Zobel chaleureux, bourré de
tendresse, toujours prompt à l'humour, mais dans le même
temps très rigoureux envers lui-même, très
appliqué à trouver le sens de l'existence humaine au
travers de ses œuvres faites non plus de lettres et de papier,
mais de terre, d'argile et de fleurs. Un Zobel philosophe mais de cette
philosophie qui délaisse les théories et les
systèmes pour interroger le quotidien dans ce qu'il a de plus
simple et de plus profond à la fois.
[…]
☐ Préface, pp. 11-12
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EXTRAIT |
Août 2003. Ce matin, à mon réveil, je trouve
Joseph dans un état de concentration extrême devant un
rameau de bambou. Sur la table, devant lui, des feuilles de papier
à dessin d'un texture spéciale, une batterie de flacons
d'encre de Chine, à sa main un pinceau, en poils de martre
précisera-t-il. Je restais sur le pas de la porte,
évitant de le questionner. À cette heure où le
soleil — vif pourtant — était très
loin de son zénith, les vitres de la véranda diffusaient
une lumière tendre, indécise, filtrée par les
grands arbres autour de l'oustaou et adoucie par les montagnes alentours.
— Approche ! me dit-il en me montrant tout à la
fois le rameau de bambou et le dessin qu'il venait de
réaliser ; pour moi d'une incroyable exactitude.
— Voilà à quoi j'occupe toutes mes
matinées. Un rameau de bambou que je dessine et redessine
jusqu'à trouver sa vérité. Celle que l'on ne voit
pas, mais qu'il contient pourtant. C'est une question de
précision du trait, surtout dans tout ce qu'il a de flou, de
maîtrise de l'encre, de contrôle de l'eau. — Le résultat est déjà remarquable.
— Ne crois pas ça. Je m'en approche, un peu, mais
c'est très loin d'être abouti. Regarde une peinture
chinoise. Une vraie, pas un de ces ersatz sur les services à
thé, et tu comprendras ce que je cherche. La pureté du
trait. Le plus profond de l'âme humaine, une forme de sagesse. Ne
cherche pas de mots ; cela n'a pas de nom.
☐ pp. 115-116 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - Joseph Zobel, « Les jours immobiles,
roman antillais », Fort-de-France : Imprimerie
officielle, 1946 ; Nendeln (Liechtenstein) : Kraus,
1979 ; sous le titre « Les mains pleines d'oiseaux »,
Paris : Nlles éd. latines, 1978
- Joseph Zobel, « Laghia de la mort »,
Fort-de-France : Bezaudin, 1946 ; Paris, Dakar :
Présence africaine, 1978, 1996
- Joseph Zobel, « Diab'là »,
Paris : Nlles éd. latines, 1947, 1975, 1989
- Joseph Zobel, « La
rue Cases-Nègres », Paris : J. Froissart,
1950 ; Les Quatre jeudis, 1955 ; Paris, Dakar :
Présence africaine, 1983, 1984, 1997
- Joseph Zobel, « La fête à
Paris », Paris : La Table ronde, 1953 ;
sous le titre « Quand la neige aura fondu »,
Paris : Éd. Caribéennes, 1979
- Joseph Zobel, « Le soleil partagé »,
Paris, Dakar : Présence africaine, 1964, 1984
- Joseph Zobel, « Incantation pour
un retour au pays natal », [Anduze] : chez l'auteur,
1965 ; in « Le soleil m'a dit … Œuvre
poétique », Matoury (Guyane) : Ibis Rouge,
2002
- Joseph Zobel, « Et si la mer n'était
pas bleue », Paris : Éd. Caribéennes,
1982
- Joseph Zobel, « Mas Badara »,
Paris : Nlles éd. latines, 1983
- Joseph Zobel, « Poèmes de
moi-même », [Anduze] : chez l'auteur, 1985 ;
in « Le soleil m'a dit … Œuvre
poétique »,
Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2002
- Joseph Zobel, « D'amour et de silence »,
Fréjus : Librairie Prosveta, 1994 ; in « Le soleil m'a dit … Œuvre
poétique »,
Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2002
- Joseph Zobel, « Gertal et autres nouvelles », Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2002
- Joseph Zobel, « Le
soleil m'a dit … Œuvre poétique »,
Matoury (Guyane) : Ibis Rouge, 2002
| - José Le Moigne, « Chemin de la mangrove », Paris : L'Harmattan (Lettres des Caraïbes), 1999
- José Le Moigne, « Madiana »,
Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2001
- José Le Moigne, « Tiré
chenn-la an tèt an mwen, Ou l'esclavage raconté
à la radio » photographies de Valérie
Vanheulen, Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2004
- José Le Moigne, « Poèmes du sel et de la terre », Amay (Belgique) : L'Arbre à paroles, 2008
- José Le Moigne, « On m'appelait Surprise », Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2010
- José Le Moigne, « La gare », Gaillard : Microcosme, 2010
| José Le Moigne sur Potomitan, promotion des cultures et des langues créoles
blog de José Le Moigne
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mise-à-jour : 1er août 2013 |
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