Des
îles de silence / Antony Lhéritier ;
préface
d'Henri Queffélec. - Quimper : Nature et Bretagne,
1974. -
143 p. ; 21 cm. - (Cadences).
ISBN 2-85257-009-2
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Dans
l'œuvre d'Antony Lhéritier (1912-1993) les
îles
désignent un au-delà, une
présence et un
appel devinés derrière l'horizon des
hommes ; appel
pressant et exigeant, d'autant mieux entendu qu'il surgit d'une
réalité familière : le monde
de la mer et des
îles bretonnes — celles de la baie de
Morlaix ou de la
mer
d'Iroise ardemment fréquentées et auxquelles le
recueil
fait occasionnellement allusion.
Avant
de se vouer à l'enseignement et à la
poésie, Antony Lhéritier avait
souhaité vivre en mer, de et par la mer : il avait
navigué plusieurs années, en Manche d'abord puis
vers
l'Afrique, avait tenté les examens du long-cours et aimait
plus
que tout les départs
furtifs dans les avant-matins à la barre de son
canot à misaine, le Loustic.
Dédaigneux
des convenances et de toute facilité 1,
le chant
d'Antony Lhéritier affronte le défi
de la mer et des îles — espoir, promesse
de
fraternité et d'une liberté sans mesure.
1. |
“ Le poème doit
être nécessaire. A ce prix seulement il a force de
vérité. ”
— Antony Lhéritier cité par
Henri Queffélec, Préface, p. 10. |
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HENRI
QUEFFÉLEC :
[…] Nous baignons tous dans un flux extraordinaire
d'énergies et de merveilles, d'échos et d'espace,
dont
l'humilité attentive du poète, comme celle
[…] de
l'enfant, a l'accès.
Antony
Lhéritier connait ce flux, ce monde qui s'ouvre
au-delà
du monde et qui est en contact avec la mer originelle. Si la
poésie de nos derniers siècles a tellement
consommé de matelots et de fuites marines dans ses
thèmes, de quel droit saisir là une mode ou un
hasard ?
Qui chante le goût de la liberté, qui
médite sur
les contraintes de toute sorte qui arrêtent l'homme, doit
arriver
à la mer. Louange à Antony Lhéritier
pour la
franchise et la netteté avec lesquelles il accomplit sa
manœuvre et qui donnent à sa poésie
tant de ferveur.
Ecoutez
le une fois célébrer la Bretagne. Il n'aura de
cesse que
son rythme ne rejoigne l'âpreté d'un effort
musculaire, ne
provoque la sensation vibrante, électrique d'un choc avec le
réel :
Voici un chant pour mon pays
Planté comme un couteau dans le
cœur de la mer
Mon pays planté dru dans la mer, comme
un homme
Et dressé dans le vent
Et dressé dans le vent.
On dirait d'un bateau que son
barreur met face au vent à l'instant d'amener les fortes
voiles claquantes.
[…]
☐ Préface, pp. 12-13
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EXTRAIT |
Elle ?
Est-ce l'Ile des Sept Sommeils
Qui me fait signe et qui m'appelle
Au vent barbu battant de l'aile ?
Le jour se lève sur la mer
Dans un étincellement blanc
Le jour déroule son mur clair
Mon île par tribord devant
Marche sur l'eau, danse dans l'air.
Parle, frère, dis-moi …
Mais non, je suis seul sur la mer.
Solitude
L'Ile des Sept Sommeils
A sombré dans le vent
Dans l'envol et le flottement.
Noé, Noé, vieux capitaine
Où sommes-nous, reconnais-tu
Ces épaves de feu, ces débris
d'étincelles
Reconnais-tu
Les signaux allumés à ce matin pointu ?
☐ Troménie,
pp. 130-131 |
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mise-à-jour : 12
septembre 2018 |
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