Contes de Bretagne /
Paul Féval. - Paris : Waille, 1844. -
VI-380 p. ; 17 cm.
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Paul
Féval (1816-1887) est né à
Rennes ; la
Bretagne, ses côtes et ses îles tiennent une bonne
place
dans sa très abondante bibliographie. “ Anne des
îles ” est un exemple du regard porté
au
milieu du XIXe
siècle sur un monde perçu comme marginal et
archaïque. C'est
également une brillante illustration du style de l'auteur
qui, dans ces Contes de
Bretagne, affirme transcrire trois récits
recueillis en
Ille-et-Vilaine auprès de Jobin de Guer, celui “ qui
sait conter de si belles histoires ”.
Les
contemporains de l'auteur n'ont sans doute pas
été
surpris au récit de populations
côtières ou
îliennes provoquant des naufrages puis se livrant aux pires
débordements — dans un décor
bouleversé par
vents et mer déchaînés 1.
L'intrigue est rehaussée par le conflit ouvert entre les
perversions d'une religion druidique toujours vivace et la
mansuétude d'un christianisme en plein essor.
Paul
Féval infléchit et colore cette trame romanesque
en opposant la pureté de l'île de Sen
et de ses “ pieux moines ”
à la
cruauté d'Ouessant dont les habitants
“ vivaient de
pillage ” 2.
Cet antagonisme exacerbé éclaire par contraste le
portrait d'Anne, fière héritière des
traditions
les plus rudes, mais prête à accueillir
les vertus
que prônent les tenants de la nouvelle religion.
1. |
La
“ méthode ”
utilisée par les naufrageurs est aussi invraisemblable que
précisément décrite ; elle a
longtemps illustré les vices et méfaits
des populations des marges maritimes du pays et n'a
été que très
tardivement soumise à un examen critique sérieux. |
2. |
Billardon de Sauvigny, dans L'innocence
du premier âge en France
(1768) opposait les “ mœurs
fières et
vertueuses des Ouessantois ” aux
“ mœurs féroces des
pirates [de
l'] Isle des Saints ”. |
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EXTRAITS |
On
parle des îles d’Amérique qui sont
pleines de tabac
et d’or, on en parle ; mais où
sont-elles ? qui
les a vues, sinon des matelots ? et les matelots sont
conteurs.
Ils rêvent dans leurs hamacs de corde ;
c’est de leurs
rêves qu’ils nous entretiennent au retour.
La
vérité est qu’il n’y a point
au monde
d’îles aussi belles que les îles de
Bretagne.
Ouessant est la plus belle de ces îles.
☐ p. 176 |
Avant
qu’Audierne fût bâti, Ouessant
n’avait
qu’un village dont les habitants ne valaient guère
mieux
que ceux de la côte. Ils vivaient de pillage. Quand les
naufragés manquaient ils mettaient à flot leurs
barques
et rançonnaient les pieux moines de
l’île de Sen.
Ceux-ci priaient Dieu nuit et jour pour la conversion des
païens
leurs voisins ; mais les gens d’Ouessant et surtout
ceux de
la côte ne voulaient point croire à une religion
qui
commande de secourir les naufragés au lieu de les achever.
☐ p. 177 |
Anne,
en embrassant la foi chrétienne, avait conservé
les
vêtements de sa caste : elle portait une robe de lin
flottante ; son arc et son carquois pendaient sur son
épaule, et les tresses de ses longs cheveux blonds
étaient retenues par un diadème d’or.
L’étranger ne l’avait pas encore
aperçue ; mais l'aurore qui se levait alors lui
laissa voir
le noble et beau visage de la jeune fille, que ce costume antique
parait d’une mystérieuse majesté. Le
commandant la
trouva si belle qu’il s’endurcit dans le dessein de
la
retenir à son bord.
☐ pp. 223-224 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Anne
des îles : tradition de la mer bretonne, conte
merveilleux
de la tradition maritime bretonne », L'Union catholique,
15-17 septembre 1842
- « Anne
des îles : pilleurs d'épaves entre Sein
et
Audierne », Limoges : Marc Barbou, [1842]
- « Anne
des îles », in Contes de Bretagne, Paris :
Jean Picollec (Biblothèque celtique, 2), 1980
- « Anne
des îles », in Contes de Bretagne,
Monein : Pyrémonde, 2005, 2008
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mise-à-jour : 17
avril 2019 |
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