La
barque de nuit (Bag-Noz) / Gilbert Dupé. - Bruxelles : Club
international du livre, [1952]. - 263 p. ; 20 cm.
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AUGUSTE-PIERRE SÉGALEN :
Il faut […] une ténacité particulière
pour parvenir au terme du roman que Gilbert Dupé, né
à Nantes en 1900, consacra, en 1952, à l'île
de Sein […]. Non qu'il soit dépourvu de talent :
on pourrait en extraire aisément une trentaine de pages
bien venues, mais l'ensemble est écrit dans une langue
étrange où voisinent trivialité et préciosité
maladroite, néologisme et archaïsme, avec, de-ci
de-là, quelques trouvailles parmi bien du fatras. Chemin
faisant, l'auteur y déverse à peu près tout
ce qu'il a lu à propos de Sein, y compris un résumé
de l'Amice du Guermeur d'Hippolyte
Violeau, et, pour faire bonne mesure, il transfère d'Ouessant
à Sein la cérémonie funèbre de la
proella.
☐ Cahiers de l'Iroise, 120, 4, octobre-décembre 1983
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INCIPIT |
L'île
ressemblait à une barque foutue le cul en l'air par un coup de
chien, et dansant, la quille debout, avec des tas d'hommes
accrochés après. Les lames lui passaient par-dessus, avec
des cris de colère auxquels répondaient les fortes voix
du vent, toutes ses grandes gueules ouvertes. La mer menait la danse,
tour à tour riant et rageant, selon qu'elle croyait en finir
avec ce putain de morceau de terre qu'elle sentait toujours solidement
accroché aux vieux fonds bâtis pour
l'éternité. Une sacrée lutte qui durait depuis des
siècles, depuis les premiers jours où les deux
éléments se faisaient face. Avec le temps, la mer avait
rongé, dévoré, avalé les dernières
avancées du continent, pièce à pièce, roche
à roche, les changeant en récifs cachés ou en
pierres au ras des lames, les faisant crocs de granit de sa bon Dieu de
mâchoire toujours prête à se refermer sur l'homme et
ses navires. Mais Enèz-Seun tenait toujours le coup, ne
lâchant ses cailloux que l'un après l'autre,
frémissante comme une bête vivante sous l'élan des
lames écrasées, les renvoyant à crachats
d'écume à la face de son ennemie, défendue par les
forces mystérieuses de la terre.
☐ p. 11 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « La barque de nuit
(Bag-Noz) », Paris : La Table ronde, 1952
- Marc
Gontard, « La langue muette : littérature bretonne de
langue française », Rennes : Presses universitaires de
Rennes (Plurial, 16), 2008
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mise-à-jour : 16 novembre 2011 |
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