Un
feu sur la mer, mémoires d'un gardien de phare / Louis
Cozan ; préface d'Eugène Riguidel. -
Ploërmel : Les Oiseaux de papier, 2010. -
158 p. :
ill., carte ; 21 cm. - (En partage).
ISBN 978-2-916359-47-2
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Il
y a au cœur de ce lieu une lumière sourde qui
vibre
intensément, attendant son heure, comme un refus de
l'inacceptable obscurité du phare. Je sais pourquoi les
phares
automatisés que je dépannerai plus tard me
sembleront
pitoyables et si peu crédibles. Cette lueur n'y est
plus !
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p. 69 |
Louis
Cozan est né à Ouessant. Après avoir
navigué au long-cours sur des pétroliers, il est
entré à peine âgé de vingt
ans au service
des Phares et Balises : une première
relève
mouvementée au phare de la Jument, puis
Kéréon, le
Stiff, le Créac'h, le phare de l'île de
Sein …
Phares ancrés sur des roches à peine affleurantes
au
cœur d'une mer toujours tourmentée ; plus
rarement
phares insulaires où travail et vie familiale tentent de se
partager dans un équilibre précaire.
Au premier
plan du témoignage de Louis Cozan — le
service et son
incessante contrainte visant à garantir en toutes
circonstances
la sécurité de ceux qui naviguent ; à
la routine
qui en résulte s'opposent les effets d'un environnement
puissant
et toujours mouvant, éprouvant souvent, grandiose parfois :
il
n'est pas rare, en mer d'Iroise, de subir jour après jour
les
assauts de vagues monstrueuses, tueuses vertes
qui s'approchent en hurlant et laissent les hommes vaciller entre peur
ou ravissement … Restent les trop rares et trop
brefs temps
de répit, voués à la pêche,
à la
rêverie, à la méditation, à
la
lecture : “ petit bonheur de solitaire qui
se plaira
plus tard à dire que pour apprécier vraiment
Queffélec, il faut le lire dans un phare en
mer ”
(p. 40).
Île
réduite à sa plus simple
expression, le phare en mer est aussi — plus
encore ? — un lieu de partage ou
s'ébauche un
dialogue entre gardiens astreints aux mêmes veilles, entre
gardiens et marins de passage, entre le phare et la terre voisine. De
la Jument ou de Kéréon, Ouessant est en
vue : ce que
les sens ne relèvent pas, l'imagination s'emploie
à la
recréer. Louis Cozan excelle à rendre compte des
solidarités, aussi discrètes que solides,
tressées
entre les phares et les îles qu'ils jalonnent. Au hasard des
affectations, Ouessant, Molène et son archipel, Sein la belle insoumise, ne
sont jamais loin.
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EXTRAIT |
Quand, partout, la nature s'éveille, ici il ne se
passe
rien : pas d'oiseaux nichant ni de fleurs s'ouvrant
à la
rosée du matin. L'odeur des machines, qui
imprègne le
bâtiment, est en conflit permanent avec le parfum
iodé de
la mer. Ce sont les seules senteurs que nous connaissons, quelle que
soit la saison.
Notre vaisseau de pierre n'est
qu'une grosse brute maritime. Son épaisse muraille ne
convient
qu'aux saisons rudes. Monumental et indestructible, c'est un
château de tempête, un ouvrage de guerre, si
rassurant
lorsque la mer devient folle mais pesant comme une prison lorsque,
à une encablure d'ici les senteurs de foin coupé
et la
légèreté de l'air invitent
à
l'amour …
Ainsi, dès le
printemps, l'île de Bannec, toute proche, devient l'objet de
tous
nos fantasmes. Avec Lanig, nous avons d'interminables conversations sur
ce que serait notre vie
s' « ils » avaient
eu la bonne idée de construire le phare là-bas
plutôt qu'ici … Ah, s'allonger dans
l'herbe ! … Fouler de nos pieds nus un sol
souple ; flâner sur l'estran, les yeux aux aguets,
fouillant
les goémons de dérive susceptibles de contenir
quelque
épave ; respirer l'odeur sucrée des
lichens
allongés dans la mousse tendre du haut de
grève ;
compter les fleurs sauvages nées du jour ; cueillir
comme
un sacrilège les narcisses que l'on ne trouve nulle part
ailleurs … Et la petite plage de sable
où serait
échoué notre bateau … Et tout
ce que nous
n'hésitons pas à installer sur cet îlot
lorsque nos
esprits se débrident, emplissant notre soirée de
rêves insensés ! Il n'y a aucun doute, le
paradis est
là, juste à côté. Et,
puisque paradis il y
a, Ève y court librement, nue dans l'herbe
rase … Et
déjà c'est foutu, on a
débordé le
possible !
Je me dis souvent qu'ici, si je n'y
prends garde, tout peut partir en mille morceaux. Il est plus que temps
que cette saison s'achève, qu'un premier coup de vent vienne
balayer mes châteaux de cartes.
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p. 137 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Un feu sur la mer, mémoires d'un
gardien de phare » nouv. éd. revue et
augmentée, Ouessant : Les Îliennes, 2019
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- Henri
Queffélec, « Un feu s'allume sur la
mer », Paris : Amiot-Dumont, 1956
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mise-à-jour : 25 mars 2020 |
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