Les Martyrs, suivis des
Remarques / [François-René] de Chateaubriand. -
Paris : Librairie de Firmin Didot, 1845. -
538 p. ; 18 cm.
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MAXIME
DU CAMP :
Je ne puis sans émotion me rappeler notre visite au
château de Combourg et notre trouble lorsque nous
posâmes le pied sur le perron qui mène
à la vieille demeure de Chateaubriand. Instinctivement nous
avions mis le chapeau à la main comme dans un lieu
sacré. Lorsque nous entrâmes dans la petite
chambre où il a grandi, où il a tant
rêvé, où il a lutté contre
cet amour redoutable qu'il ose à peine indiquer dans ses
mémoires, Flaubert avait les yeux humides et appuya la main
sur la table, comme s'il eût voulu saisir quelque chose de ce
grand esprit.
Déjà, le
mois précédent, assis à la pointe du
Raz “ que nul n'a passé sans peur ou
malheur ”, à côté de
la baie des Trépassés, en face de l'île
de Sein, l'île des Druidesses, nous avions lu
l'épisode de Velléda.
☐ En Bretagne, extrait de
« Souvenirs
littéraires ».
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Dans
les Remarques placées en
annexe, Chateaubriand indique les sources qu'il utilise pour l'épisode
de Velléda : Strabon, Denys le Voyageur
et Pomponius Mela. C'est ce dernier qui a contribué
à accréditer l'existence des neuf
prêtresses de l'île 1 :
Sena
in Britannico
mari, Osismicis adversa littoribus, Galici numinis oraculo insignis
est : cujus antistites, perpetua virginitate sanctae, numero
novem esse traduntur : Barrigenas vocant, putantque ingeniis
singularibus praeditas, maria ac ventos concitare carminibus, seque in
quae velint animalia vertere, sanare quae apud alios insanabilia sunt,
scire ventura et praedicare : sed non nisi deditas
navigantibus, et in id tantum ut se consulerent profectis.
— Pomponius Mela, Chorographie, III,
6.
Pour Jean Marin qui était à
Londres avec le général de Gaulle en 1940,
l'exhortation de Velléda sonne comme une
prophétie.
1. |
Chateaubriand : “ Strabon diffère de ce récit,
en ce qu'il dit
que les prêtresses passaient sur le continent pour habiter
avec
des hommes. J'avais, d'après quelques autorités,
pris
cette île de Sayne pour Jersey ; mais Strabon la
place vers
l'embouchure de la Loire. Il est plus sûr de suivre Bochart (Géograph. sacr.,
pag. 740), et d'Anville (Notice
de la Gaule, pag. 595),
qui retrouvent l'île de Sayne dans l'île des
Saints,
à l'extrémité du diocèse de
Quimper, en
Bretagne. ” — “ Les
Martyrs ”, Remarques sur
le Livre IX, p. 155. |
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EXTRAIT |
« L'EXHORTATION DE
VELLÉDA »
O île de Sayne, île
vénérable et sacrée ! je suis demeurée seule des neuf
vierges qui desservaient votre sanctuaire. Bientôt
Teutatès n'aura plus ni prêtres ni autels. Mais
pourquoi perdrions-nous l'espérance ? J'ai
à vous annoncer les secours d'un allié
puissant : auriez-vous besoin qu'on vous
retraçât le tableau de vos souffrances, pour vous
faire courir aux armes ? Esclaves en naissant, à
peine avez-vous passé le premier âge, que des
Romains vous enlèvent. Que devenez-vous ? Je
l'ignore. Parvenus à l'âge d'homme, vous allez
mourir sur la frontière pour la défense de vos
tyrans, ou creuser le sillon qui les nourrit. Condamnés aux
plus rudes travaux, vous abattez vos forêts, vous tracez avec
des fatigues inouïes les routes qui introduisent l'esclavage
jusque dans le coeur de votre pays : la servitude,
l'oppression et la mort, accourent sur ces chemins en poussant des cris
d'allégresse, aussitôt que le passage est ouvert.
Enfin, si vous survivez à tant d'outrages, vous serez
conduits à Rome : là,
renfermés dans un amphithéâtre, on vous
forcera de vous entre-tuer, pour amuser par votre agonie une populace
féroce. Gaulois, il est une manière plus digne de
vous de visiter Rome ! Souvenez-vous que votre nom veut dire
voyageur. Apparaissez tout à coup au Capitole, comme ces
terribles voyageurs vos aïeux et vos devanciers. On vous
demande à l'amphithéâtre de
Titus ? Partez : obéissez aux illustres
spectateurs qui vous appellent. Allez apprendre aux Romains
à mourir, mais d'une tout autre façon qu'en
répandant votre sang dans leurs fêtes :
assez longtemps ils ont étudié la
leçon, faites-la-leur pratiquer. Ce que je vous propose
n'est point impossible. Les tribus des Francs qui s'étaient
établis en Espagne retournent maintenant dans leur
pays ; leur flotte est à la vue de vos
côtes ; ils n'attendent qu'un signal pour vous
secourir. Mais si le ciel ne couronne pas vos efforts, si la fortune
des Césars doit l'emporter encore, eh bien ! nous
irons chercher avec les Francs un coin du monde où
l'esclavage soit inconnu. Que les peuples étrangers nous
accordent ou nous refusent une patrie, terre ne peut nous manquer pour
y vivre ou pour y mourir.
☐
Livre IX, pp. 155-156
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CHATEAUBRIAND ÉCRIVAIN
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- « Les
Martyrs, ou le triomphe de la religion
chrétienne », Paris : Le
Normant, 1809
- «
Œuvres romanesques et voyages [tome II] Les Martyrs,
Itinéraires de Paris à Jérusalem
[...] » éd. de Maurice Regard,
Paris : Galimard (La Pléiade), 1969
- « Les
Martyrs » éd. critique de Nicolas Perot
(3 vol.), Paris : Honoré Champion (Œuvres
complètes de Chateaubriand, XVII, XVIII, XVIII bis), 2019
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CHATEAUBRIAND LECTEUR …
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mise-à-jour : 7 avril 2020 |
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