Déjanté
/ Hugo Hamilton ; trad. de l'anglais (Irlande) par Katia
Holmes. - Paris : Phébus, 2006. - 234 p. ;
21 cm. - (Rayon noir).
ISBN 2-7529-059-0
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Dure vie que celle de flic dans le
Dublin d'aujourd'hui : la crasse, la violence, la drogue
le progrès, quoi. Et voilà qu'on vous crucifie
un gus — doix Jésus ! — sur la porte d'un
hangar à bateau, la tronche couronnée jusqu'au
col par un méchant sac en plastique. Saloperie d'époque.
Allons, tout n'est quand même
pas perdu : la Guiness continue de couler au robinet, et
l'ami Pat Coyne, chevalier exemplaire, est là qui vous
protège, prêt à nettoyer votre bonne ville
de toute la racaille qui voudrait la pourrir jusqu'à l'os
Seul problème : à
vouloir jouer les chevaliers aujourd'hui, on ne s'expose pas
seulement à recevoir des coups, voire à finir dans
une bagnole-cercueil au fond des eaux du port … on risque
de péter les plombs, tout simplement.
❙ | Hugo
Hamilton est né à Dublin en 1953, d’une mère
allemande et d’un père irlandais. Journaliste de talent,
il se lance très vite dans l’écriture de nouvelles
et de romans. Il devra attendre la parution de Sang impur (prix Femina étranger, 2004) pour être reconnu comme l’un des plus grands auteurs de son pays. |
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EXTRAIT |
In risu veritas. Chaque blague contient sa propre vérité. Enfin, Pat ! Ce n'est jamais qu'un rire, pour l'amour du ciel !
Mais
il y avait autre chose derrière. Et Coyne finit par se rendre
compte qu'il avait pêché cette idée-là dans
les îles d'Aran où on l'avait envoyé à
l'âge de quinze ans pour perfectionner son irlandais.
Là-bas, les gens l'avaient dès le départ
appelé Donkey-shite 1 et, avec leur prononciation, on avait l'impression qu'ils voulaient dire Don Quichote mais que ça devenait Don Qui-chite
dans leur bouche. Et puis quand il avait commencé à aller
chasser le lapin avec eux, il s'était aperçu que le
sobriquet correspondait à une forme d'admiration
inversée. En Irlande, l'insulte était un mot tendre, un
mot de véritable intimité, par lequel on accordait
à ses amis la grâce de fausses expressions de
mépris. Ce n'était qu'en lançant des
bordées d'injures qu'on permettait aux autres d'entrer dans
votre espace et de devenir votre ami. Si jamais on cessait de vous
appeler Donkey-shite,
là vous aviez matière à vous inquiéter. La
politesse était signe qu'on s'apprêtait à vous
enculer. Peut-être est-il impossible d'être proche d'un
Irlandais sans avoir la sensation de suffoquer ? On ne peut avoir
que des amis ou des ennemis, rien entre deux. Aux îles d'Aran,
Coyne avait éprouvé le sentiment d'avoir rejoint une race
noble. Chaque fois que les gens de l'île attrapaient un lapin,
ils criaient et riaient. Et chaque fois que le lapin leur
échappait, ils disaient : ce petit salopard rigole de nous
à l'heure qu'il est, planqué bien au fond d'une fissure
de la roche, avec la mer qui cogne les pieds des falaises et des
paquets d'embruns blancs qui s'envolent au-dessus des Glasen Rocks.
C'était le bout du monde, là où tout autre son est
oblitéré par le fracas des vagues et les flûtes du
vent qui joue dans les creux de la roche. Bord de falaise qui attirait
Coyne vers la mort avec une sorte de vertigineuse folie.
☐ pp. 102-103
1. | « Merde de bourricot » (NdT). |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Headbanger »,
London : Secker & Warburg, 1996
| - « Berlin sous la
Baltique », Monaco : Éd. du Rocher, 1992 ;
Paris : Phébus (Libretto, 181), 2005
- « Sang
impur », Phébus (D'aujourd'hui, étranger),
2005
- « Le marin de Dublin »,
Phébus (D'aujourd'hui, étranger), 2007
- « Triste flic », Paris : Phébus, 2008 ; Paris : Points (Roman noir, P2462), 2010
- « Comme personne », Paris : Phébus, 2009 ; Paris : Points (P2586), 2011
- « Je ne suis pas d'ici », Paris : Phébus, 2011 ; Paris : Points (P2586), 2012
- « Un voyage à Berlin », Paris : Phébus, 2015
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mise-à-jour : 5 mai 2017 |
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