Les rajahs blancs / Gabrielle
Wittkop. - Paris : Verticales-Phase deux, 2009. -
399 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-07-012578-4
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Sarawak ? … non … Je
ne vois pas …
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C'est un pays intéressant. Intéressant et
périlleux.
☐ p. 45 |
NOTE DE L'ÉDITEUR :
Bornéo, 1839. L'ex-lieutenant de l'East India Company et
aventurier mercenaire James Brooke annexe la région du
Sarawak.
À la tête de cet Eden menacé par les
pirates
malais, les intrigants de tous bords et les enjeux contraires de la
Couronne, il fonde la dynastie des rajahs blancs. Lui
succèderont Charles, bâtisseur aux principes
humanistes et
aux moyens douteux, puis Vyner, hédoniste irresponsable
rêvant de conquêtes sensuelles. À leurs
côtés, des femmes entraînées
malgré
elles, épouses malheureuses prises dans les affres du
pouvoir.
À
partir de cet épisode méconnu de la colonisation
britannique en Asie du Sud-Est, Gabrielle Wittkop recrée un
tumultueux et exotique théâtre de
l'humanité
où se mêlent désir d'ailleurs et
volonté de
puissance, ascension et chute, Orient et Occident. Roman historique
décalé autant que récit de voyage
captivant, cette
saga pénètre les arcanes de l'utopie colonialiste
bousculée par le cœur des hommes
— une chasse
à la chimère.
S'écartant
ici de la verve sadienne de ses précédents
succès,
Gabrielle Wittkop offre, avec Les
rajahs blancs, une autre voix
à son œuvre : en apparence moins
dérangeante
mais d'une cruelle lucidité.
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Née
en 1920 à Nantes, Gabrielle Wittkop s'est établie
à Francfort en 1945, partageant sa vie avec l'essayiste
allemand
Justus Franz Wittkop. Journaliste pour les pages culturelles du
Frankfurter Allgemeine Zeitung, voyageuse au long cours aux confins de
l'Asie, elle est morte comme elle a vécu,
“ en homme
libre ”, le 22 décembre 2002. —
Informations
complémentaires : Les
Hommes sans épaules. |
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EXTRAIT |
Ce genre de fort
avait un nom qui parlait de lointain et d'oubli, outstations disait-on,
stations extérieures, périphères, hors
circuit …
Là-bas,
tout comptait, le serpent tombant brusquement d'un arbre sur votre
épaule et l'insecte inconnu qu'on étudie pendant
de
longues minutes. On s'habituait aux maux, à la
fièvre
dont les accès reviennent chaque jour à la
même
heure, à la peau du visage et des bras qui pèle
à
vif, aux gencives changées en caoutchouc. Il y avait
beaucoup de
temps morts à Lingga, beaucoup de journées vides.
Mais il
y avait la jungle.
Le matin, les brouillards montant du fleuve
couvraient le monde de voiles turquoise, de longues écharpes
diaphanes s'accrochant aux branches emperlées qui
dégouttaient. Alors la forêt exhalait son parfum,
une
odeur sombre et fraîche, musquée quelquefois. Il y
avait
des jours où sous la pluie, la jungle fumait comme une
étuve, où les arbres se découpaient en
un lavis
d'ombres tourterelle, en nuances dégradées qui se
perdaient dans des pâleurs de perle.
On ne voyait le ciel
qu'au dessus du fleuve. Le soir, sa voûte semblait monter,
elle
tournait au jaune, à l'abricot, avant de se cuivrer pour
annoncer la nuit. Quand les bêtes du jour
s'étaient
retirées alors que les nocturnes s'éveillaient
à
peine, le silence tombait d'un seul coup. Pendant un bref instant on
sentait respirer la forêt vierge et, profonde, inaudible, sa
grande haleine passait comme un souffle divin. Puis le tumulte
reprenait avec de nouveaux choristes. L'appel de l'engoulevent, le
ululement du hibou, le cri de quelque lémure et le
mugissement
monotone du crapaud-buffle emplissaient la nuit, noire comme un velours
sous le couvert des arbres.
Soudain, les ténèbres s'illuminaient.
☐ pp. 170-171 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Les rajahs blancs », Presses de la renaissance, 1986
|
- Gabrielle
Wittkop, « Sérénissime
assassinat », Paris : Verticales, 2001
- Gabrielle
Wittkop, « Chaque jour est un arbre qui
tombe », Paris : Verticales, 2006
- Gabrielle
Wittkop, « Carnets d'Asie »,
Paris : Verticales, 2010
|
- Nigel
Barley, « Un rajah blanc à
Bornéo : La vie de sir James
Brooke »,
Paris : Payot & Rivages (Voyageurs), 2007
- Charles
Brooke [second rajah of Sarawak], « Ten years in
Sarawak » with a transcription of The Journal of Charles Brooke
September 1866-July 1868 and an introduction by R.H.W.
Reece, Singapour, Oxford : Oxford university press, 1990
- Margaret
Brooke, « Reine
des coupeurs de tête : ma vie à
Bornéo », Genève : Olizane,
2000
- C.S.
Godshalk, « Kalimantaan »,
New York : Henry Holt, 1998
- Bob
Reece, « The white rajahs of Sarawak : a Borneo
dynasty », Singapore : Archipelago press (Ed. Didier
Millet), 2004
- D.J.M. Tate,
« Rajah Brooke's Borneo », Hong
Kong : John Nicholson Ltd, 1988
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mise-à-jour : 9
février 2022 |
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