Histoire
des rois de Pasey / trad. du malais par Aristide Marre ;
présentation et notes de Monique Zaini-Lajoubert. -
Toulouse : Anacharsis, 2004. - 155 p. : carte ;
20 cm. ISBN 2-914777-15-9
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MONIQUE ZAINI-LAJOUBERT : L'Histoire des rois de Pasey est la traduction, datée de 1874, par Aristide Marre (1823-1918) de la chronique malaise intitulée Hikayat Raja Pasai, qui
concerne un moment de l'histoire ancienne de l'Indonésie
(XIIIe-XIVe siècles), celle de son premier royaume
islamisé : le sultanat de Samudra-Pasai sur la côte
nord-est de Sumatra.(…)Ce
royaume (…) nous est connu (…) grâce à
diverses sources : des vestiges archéologiques (les ruines
d'un château, des tombes des pièces
de monnaie, etc.), des documents écrits malais (…) mais
aussi chinois, arabes, portugais, et enfin par la tradition orale
encore vivante de nos jous dans la région de l'ancien Samudra. Ce
serait la premier royaume indonésien à avoir
embrassé l'islam, sans doute vers 1250. On est en tout cas
sûr qu'il était musulman en 1297, d'après
l'inscription sur la tombe de son premier souverain, qui s'était
converti à l'islam, le sultan Malikul Saleh, mort à cette
date. Son âge d'or se situe aux XIVe et XVe siècles. Il
échangeait alors des ambassadeurs avec la Chine et avait des
relations avec les États musulmans du Moyen-Orient. (…) Hikayat Raja Pasai serait
la plus ancienne œuvre malaise à caractère
historique connue (…). On n'en connaît pas de date
certaine de composition (elle daterait d'après certains de la
fin du XIVe siècle, pour d'autres elle aurait été
rédigée après 1524), ni le nom de l'auteur. Il
s'agit avant tout d'une œuvre littéraire dont la valeur
historique est à relativiser fortement. On y distingue des faits
historiques réels, mais ils ne sont pas datés, et les
mythes et légendes y sont nombreux. (…) L'agencement des
épisodes du récit, qui entremêle mise en ordre
généalogique et événements merveilleux,
aussi bien que la structure d'ensemble de l'œuvre, laissent
présumer d'une signification édifiante de cette chronique
royale. (…) Si (…) cette œuvre est avant tout
destinée à transmettre un enseignement, elle n'en reste
pas moins un texte ressortissant aux belles lettres. Son auteur
(…) a puisé dans les divers procédés
littéraires 1 qui avaient cours à l'époque. C'est
ainsi (…) que les mythes et les légendes (la Princesse du
Bambou, l'enfant élevé par un éléphant), et
le surnaturel (les arbres qui gémissent lorsqu'on leur donne un
coup d'épée et dont le sang coule de la partie
blessée), se juxtaposent en harmonie avec les
événements réels ou historiquement
avérés (la conversion de Malikul Saleh). Le romanesque
est également présent dans le récit, où se
nouent et se dénouent les drames engendrés par la passion
(…). En même temps chronique historique, récit édifiant et roman récréatif, Hikayat Raja Pasai parvient
(…) à conjuguer les enseignements de la royauté
indonésienne ancienne et la lecture d'agrément, à
associer avec bonheur le mythique et le réel, et mobilise en
définitive en arrière-plan une civilisation tout
entière. (…)☐ Présentation, pp. 14, 23-24, 26-27, 35-37 1. | Le texte fait usage en plusieurs occasions de formes poétiques propres à l'archipel — comme le pantun, “ quatrain
à rimes alternées ” où deux images
relevant de plans distincts se font écho. Avec Banville,
Baudelaire, Hugo et d'autres, la poésie française a rendu
aux qualités (de forme et de sens) du pantun un hommage mérité. |
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EXTRAIT |
Lorsque
le prince fut arrivé à un embranchement du chemin, Malek
Akasan dit : “ Ô Monseigneur, ici le chemin se
bifurque. Par ce chemin-ci, pour arriver à Boukit Fadouli Allah,
nous avons deux jours de marche ; par cet autre chemin, un jour de
marche seulement, mais il s'y trouve un arbre, le Saba-Sâni,
dont le tronc ressemble à un serpent : quiconque le regarde
est saisi d'effroi, tombe et meurt. Si on échappe de là,
on rencontre un autre arbre, le belourou,
dont l'aspect est celui d'un serpent à écailles, et
quiconque le regarde est saisi d'effroi, tombe et meurt. ”
[Le prince] répondit : “ Conduisez-moi par le
chemin le plus court ! ” Et, en passant par là,
il rencontra l'arbre Saba-Sâni.
À peine l'eut-il aperçu, qu'il sentit un frisson
d'effroi, mais dégainant son khandjar, il en frappa l'arbre Saba-Sâni, et cet arbre exhala une plainte comme une voix humaine, et de son tronc coula du sang comme du sang humain.
☐ pp. 120-121 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Sumatra : Histoire des rois de
Pasey » traduite du malais et annotée par Aristide
Marre, Paris : Maisonneuve, 1874
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- Edouard Dulaurier (éd.), « Collection des principales chroniques malayes » 1er fascicule comprenant la Chronique du royaume de Pasey (Hikayat Radja Pasey), Paris : Imprimerie nationale, 1849
- Russell Jones (ed.), « Hikayat Raja Pasai », Petaling Jaya (Malaisie) : Fajar Bakti, 1987
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mise-à-jour : 8 décembre 2021 |
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