Sens-plastique II
/ Malcolm de Chazal. - Port Louis (Maurice) : The General
printing and stationery Co., 1947. - XV-592 p. : ill. ;
17 cm.
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LAURENT BEAUFILS : Près de six cents pages, un
portrait photographique de l'auteur en page de garde, deux préfaces,
une postface et un chapitre à part nommé L'unisme :
c'est moins la relative et temporaire aisance pécuniaire
dont il jouit alors, que la conviction de plus en plus nette
de la force de son message qui décide Malcolm de Chazal
à soigner particulièrement la présentation
de Sens-plastique II.
[…]
Sens-plastique II : des centaines et des centaines
de propositions surgissent d'une tête qui a soudain moins
besoin de penser que d'être pensée. Propositions,
ou bien réflexions, investigations, aphorismes, sentences,
dictées, correspondances, jets parfois longs de quelques
mots, parfois d'une page entière. On comprend que Malcolm
de Chazal ait peiné lorsqu'il a fallu donner un titre
évocateur à tous ces reflets amoureux et exubérants
des consctructions de la matière. De la forge chazalienne
des néologismes est né le sens plastique, celui
qui indique assez, comme le dira plus tard Jean Paulhan, que
l'entreprise consiste avant tout à « réduire
le confus au précis, le vague au plastique, comme à
son apparence la plus évidente, comme à sa raison ».
De tous ces allers et retours
du moi qui charpentent Sens-plastique II, de tous
ces renversements à eux seuls surprenants, merveilleux
même lorsque l'on réalise que, chemin faisant, ils
se sont chargés de noces infinies, jusqu'à prendre
l'essence des formes, jusqu'à la comprendre et se comprendre
à travers elle, Malcolm de Chazal aime rappeler l'inauguration :
« Un jour, par une après-midi très pure,
je marchais quand, face à un bosquet d'azalées,
je vis pour la première fois une fleur d'azalée
me regarder. C'était la fée. Sens-Plastique
était né ».
☐ « Malcolm de Chazal :
quelques aspects de l'homme et de son œuvre », Paris :
La Différence, 1995 (pp. 59-60)
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JEAN PAULHAN :
Evidemment, l'auteur ne cherche pas à nous être
agréable. Il ne cherche pas non plus à faire beau, ni
même gracieux. Au fait, il ne cherche pas du tout. Plutôt,
il sait quelque chose, qu'il est forcé de nous dire. Il est
gonflé de quelque chose (comme une voile par le vent) qu'il lui
faut tout de même rejeter. Que les mots y aillent comme ils
peuvent ! Mais leur maladresse, la gaucherie de leur
emboîtage, leurs contrastes, tant d'agitations et de battues,
parfois un sens pris à revers plutôt qu'à rebours),
leur appel constant à la sensation brute nous sont plus
nourissants que ne serait leur grâce ou leur
légèreté, l'idée monte comme une
crème qu'on bat.
[…]
De toute évidence, Chazal
est commandé par on ne sait quoi de puissant — par
quelle idée géante, qui du dehors le presse ?
☐ Préface à « Sens-plastique »,
Paris : Gallimard (L'Imaginaire, 149), 1985 (pp. X-XI)
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EXTRAITS |
La passion sans témoins a courte
vie. Roméo et Juliette, dans une île déserte,
s'établiraient bien vite en ménage bourgeois. | Le regard indifférent
est un perpétuel adieu. | Puisque les yeux des vivants
ont chacun une longueur de foyer différente, qui
nous dira quelle est l'exacte « grandeur nature » ? … | A chaque fois qu'entre un bourgeois
dans le Ciel, Dieu doit faire élargir le Paradis, afin de
donner un peu plus d'air aux non-bourgeois. Car l'atmosphère
des bourgeois rend tout plus petit. | Quand le fil se rompt,
le collier s'éparpille. Une simple fissure sur un
point du pouvoir d'association suffit pour entraîner la
folie. Le cerveau doit perpétuellement engrener ou
périr. | Il n'y a pas de voix naturelles
dans le plein sens du terme. Y en aurait-il, qu'elles sembleraient
surnaturelles, tant elles trancheraient sur la norme à
laquelle nous sommes accoutumés. Les voix des anges nous
feraient infiniment peur, tant elles nous sembleraient prodigieusement
naturelles. Si la voix du mourant nous donne le frisson, c'est
parce qu'elle est totalement nue, comme dut être la voix
d'Adam avant la Chute. L'ultime but de l'Art, n'est-il pas d'imiter
ce nu premier ? … Il n'est d'âmes supérieures
qu'en voix nues. | La vue des flots nous ôte
la sensation des points cardinaux des choses, et à la
longue nous ôte la sensation des points cardinaux de nous-mêmes.
A force de fixer la mer, nous ne savons bientôt plus où
nous sommes. Si nous pouvions pousser plus loin cet état
sidéré du regard sur les flots mouvants, nous ne
saurions bientôt plus qui nous sommes. La vue des
flots est la plus grande source d'oubli et la plus prodigieuse
manière de « penser Dieu ». |
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APPROCHE BIBLIOGRAPHIQUE | - Malcolm de Chazal, « Sens-plastique »
préface de Jean Paulhan, Paris : Gallimard, 1948 ;
Gallimard (L'Imaginaire, 149), 1985
- Malcolm de Chazal, extraits
de « Sens-plastique », in Océan
Indien éd. par Serge Meitinger et J.-C. Carpanin
Marimoutou, Paris : Omnibus, 1998
| - Malcolm de Chazal, « Petrusmok : mythe »,
Port Louis (Maurice) : The Standard printing est., 1951 ;
La Table ovale, 1979 ; Paris : Léo Scheer, 2004
- Malcolm de Chazal, « Sens magique », Paris :
Léo Scheer, 2004
- Malcolm de Chazal, « Comment devenir un génie ? »
introduction et notes de Jean-Louis Joubert, mise au point et
sélection des textes par Kumari Issur, Paris : Philippe
Rey, 2006
- Malcolm de Chazal,
« Autobiographie spirituelle »
coordination et notice biographique par Robert Furlong, notice
bibliographique par Christophe Cassiau-Haurie, Paris : L'Harmattan
(L'Afrique au cœur des lettres),
2008
- Malcolm de Chazal,
« Moïse » coordination par Christophe Cassiau-Haurie, présentation par
Robert Furlong, Paris : L'Harmattan (L'Afrique au cœur des lettres),
2008
- « A
la rencontre de Malcolm de Chazal » entretiens recueillis
par Bernard Violet, Paris : Philippe Rey, 2011
| - Adrien Le Bihan, « Retour
de Lémurie », Paris : François
Bourin, 1993 (Epilogue, pp. 274-288)
- Laurent Beaufils, « Malcolm
de Chazal : quelques aspects de l'homme et de son œuvre »,
Paris : La Différence, 1995
- Christophe Chabbert, « Petrusmok
de Malcolm de Chazal : radioscopie d'un " roman
mythique " », Paris : L'Harmattan,
2001
- Bernard Violet, « Malcolm, la princesse et le dromadaire », Paris : Philippe Rey, 2011
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mise-à-jour : 29 août 2011 |
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