La longue marche
vers la liberté : Sarda Garriga / David Huet. - Sainte
Marie (La Réunion) : Azalées, 2005. - 103 p. :
ill. ; 24 cm.
ISBN 2-915923-19-1
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Daté du 26 octobre 1664,
un édit de la Compagnie des Indes interdisait la vente
et le trafic d'esclaves à l'île Bourbon (et à
Madagascar) … Pieuses intentions rapidement négligées :
six ans plus tard, vingt-deux Malgaches sont conduits sur l'île
pour y travailler sans salaire ; au début du XIXe
siècle la colonie compte plus de 50 000 esclaves
(77 % de la population).
Quand, en 1848, Victor Schoelcher
fait voter les décrets abolissant l'esclavage dans les
colonies françaises, il lui faut trouver un homme capable
de les faire appliquer à La Réunion 1 ; il choisit Joseph Sébastien
Napoléon Sarda Garriga (1808-1877), catalan, franc-maçon,
ami d'Etienne Arago.
Sarda Garriga arrive à
La Réunion le 14 octobre 1848. Il a pour mission de désamorcer
les tensions, d'où qu'elles viennent, que ne peut manquer
de susciter la fin du système esclavagiste — convaincre
les uns de renoncer à un ordre si favorable à leurs
intérêts, inciter les autres à ne pas cesser
le travail : « la liberté élève
le travail à la hauteur du devoir ». Le
20 décembre 2, la population noire de l'île
est seule 3 à célébrer sa liberté
par un Te Deum à la cathédrale de Saint-Denis.
Officiellement tournée
la page de l'esclavage, La Réunion subira l'engagisme,
méthode permettant aux grands propriétaires de
détourner les conséquences de leur défaite
de 1848 ; quant à Sarda Garriga il connaîtra
une première disgrâce avant de se voir nommé
en Guyane où il aura le privilège douteux de diriger
les premiers temps de la colonie pénitentiaire (1852-1853).
David Huet éclaire avec
ferveur ce parcours contrasté.
1. | L'île Bourbon prend officielle le nom d'île de La Réunion le 19 mars 1793 (an II de la République). | 2. | Depuis 1981, le 20 décembre est jour férié à La Réunion. | 3. | Avec les officiels et les militaires ! |
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EXTRAIT |
PROCLAMATION DE L'ABOLITION
DE L'ESCLAVAGE
(...)
20 DÉCEMBRE 1848
AUX TRAVAILLEURS
Mes amis,
Les décrets de la République
française sont exécutés : vous êtes
libres. Tous égaux devant la loi, vous n'avez autour de
vous que des frères. La Liberté, vous le savez,
vous impose des obligations. Soyez dignes d'elle, en montrant
à la France et au monde qu'elle est inséparable
de l'ordre et du travail.
(...)
Un homme libre n'a que sa parole,
et les promesses reçues par les magistrats sont sacrées.
Vous avez vous-mêmes librement choisi les propriétaires
auxquels vous avez loué votre travail ; vous devez
donc vous rendre avec joie sur les habitations que vos bras sont
destinés à féconder et où vous recevrez
la juste rétribution de vos peines.
Je vous l'ai dit, mes amis, la
Colonie est pauvre, beaucoup de propriétaires ne pourront
peut-être payer le salaire convenu qu'après la récolte.
Vous attendrez ce moment avec patience.
Vous prouverez ainsi que le sentiment
de fraternité recommandé par la République
est dans vos coeurs.
(...)
Mes amis, travaillons tous ensemble
à la prospérité de notre Colonie. Le travail
de la terre n'est plus un signe de servitude depuis que vous
êtes appelés à prendre votre part des biens
qu'elle prodigue à ceux qui la cultivent. Propriétaires
et travailleurs ne forment plus désormais qu'une seule
famille dont tous les membres doivent s'entraider. Tous libres,
frères et égaux, leur union peut seule faire leur
bonheur.
La République, mes amis,
a voulu faire le vôtre en vous donnant la liberté.
Qu'elle puisse dire que vous avez compris sa généreuse
pensée, en vous rendant dignes des bienfaits que la liberté
procure.
Vous m'avez appelé votre
père ; et je vous aime comme mes enfants. Vous écouterez
mes conseils : reconnaissance éternelle à
la République française qui vous fait libres !
Et que votre devise soit toujours : Dieu, la France et le
Travail.
Vive la République !
Sarda-Garriga
☐ pp. 96-97
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - David Huet, « L'album aux souvenirs », Paris : Publibook, 2009
- David Huet, « Gazoye », Saint-Denis (La Réunion) : UDIR, 2004
- David
Huet, « Souvenance : récit Réunionnais et
petite anthologie sur le patrimoine créole », Sainte-Marie (La Réunion) : Azalées, 2004
- David Huet, « Le temps du Fénoir », Sainte-Marie (La Réunion) : Azalées, 2004
- David Huet, « Zaza, La Réunion des années 50 », Sainte-Marie (La Réunion) : Azalées, 2000
- David
Huet, « Histoire de la poste à La Réunion des
origines à nos jours », Saint-Denis (La
Réunion) : Azalées, 1996
- David
Huet, « Ti Krévèr, l'enfant
bâtard », Saint-André (La
Réunion) : Océan éditions, 1992 ;
Sainte-Marie (La Réunion) : Azalées, 2006
| - Gilles Gauvin, « Abécédaire de l'esclavage des Noirs », Paris : Dapper, 2007
- Benjamin
Laroche, « Histoire de l'abolition de l'esclavage dans les
colonies françaises, 1ère partie : Île de La
Réunion », Paris : Victor Lecou, 1851
- Jean-François Samlong, « Il était une fois Sarda-Garriga », Gourdon : Jacaranda, 2009
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mise-à-jour : 14 mars 2019 |
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