Les dix hommes noirs / Etzer
Vilaire ; texte intégral, avec une Étude
biographique et littéraire, des notes, des jugements
critiques, des questions et des sujets de devoirs par Roger
Gaillard et Christophe Philippe Charles. - Port-au-Prince :
Ed. Choucoune, 2003. - 71 p. ; 21 cm. - (Les
classiques haïtiens expliqués, 1).
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Dix amis accablés par l'infortune
décident de se donner la mort. Ils se retrouvent un soir
dans un manoir lugubre et retiré pour un ultime
festin ; là, chacun expose l'enchaînement
des malheurs qui ont forgé sa décision. Quand
tous auront parlé, “ Le second
frappera le premier, le troisième / Tuera le
précédent ; ainsi jusqu'au
dixième ”. Mais Frank, le
dixième, est chrétien ; il ne peut
détourner de la mort ses camarades, pas plus qu'il ne peut
se résoudre au suicide … Alors, devant
les neuf cadavres, “ Un gros rire
effrayant fait palpiter son cou. / Tout le bois en
tressaille … Il est devenu fou. ”
Dans la forme, le
poème dramatique
— 796 alexandrins — a vieilli, au point que “ sa
lecture sans pauses se transforme aujourd'hui, même pour les
moins exigeants, en expérience
décevante ” 1 ; on y relève l'influence de Lamartine
et de Vigny. Mais les commentateurs se sont surtout
attachés, comme l'auteur, à souligner les
échos renvoyant à la situation politique et
sociale de l'époque, pour en apprécier
diversement la portée.
1. |
Roger Gaillard et Christophe Philippe Charles, “ Vilaire, le
créateur ”, p. 57. |
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ETZER
VILAIRE :
[…]
Le poème des Dix
hommes noirs porte, tout au fond des idées et de
la conception, la marque du pays et du moment qui l'a vu
naître.
Cette œuvre est
peut-être la notation d'une agonie — terrible
agonie de l'âme et non d'une âme individuelle
— car l'auteur a pensé, en bien des endroits,
s'élever de ses sentiments personnels à la
perception douloureuse, aigüe, des tourments où se
débat une jeunesse longtemps martyre, une
génération accablée de
désenchantements et de souffrances en quelque sorte
héréditaires, de maux accumulés,
depuis les premiers tâtonnements jusqu'à ces jours
où l'interminable épreuve sociale se continue
sous la double oppression de la misère matérielle
et des angoisses morales.
[…]
☐
Avertissement,
pp. 4-5
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EXTRAIT |
Frank, la mort de tout suit celle de
l'espérance ...
C'est fini, mon ami ! … Le monde,
oh ! quel égout
Où nos cœurs attristés
promènent leur dégoût !
Notre jeunesse à tous est un vaste naufrage
Où nous ne pouvons plus aborder qu'un rivage,
Ce rivage inconnu qu'on appelle le ciel …
Etre les prisonniers du malheur éternel,
Sentir que l'on périt quand on rêvait de vivre,
N'avoir pour végéter que l'aliment du livre,
Nostalgiques esprits, vers des centres lointains
Fixer désespérés nos regards
incertains,
En exilés honnis qui pleurent leur patrie ;
Replier comme une aile impuissante et meurtrie
Son âme sous les coups de la fatalité ;
Aspirer à l'Amour, évoquer la Beauté,
Et sans cesse trompés, retomber dans la lie
Où plonge, sans espoir, l'existence
avilie ! …
Es-tu donc satisfait de cet étrange sort ?
Non … Voici, pour qui veut, l'abîme de la
Mort
Où vont les tourbillons fuyant des choses vaines,
Où l'on dort, affranchi des misères humaines.
Dormons !
☐ p. 24
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Pages
d'amour [suivi de] Les dix hommes noirs »,
Port-au-Prince : Imprimerie de Mme F. Smith, 1901 (E.O.)
- « Les
dix hommes noirs » in Poésies
complètes,
vol. 2, Paris : A. Messein, 1914-1919 ;
Port-au-Prince : Presses nationales d'Haïti, 2005
- « Les
dix hommes noirs » commentaires par Roger Gaillard
et Christophe Philippe, Port-au-Prince : Ed. Christophe, 1994
- « Les
dix hommes noirs » avec une notice biographique et
littéraire de Dieudonné Fardin,
Port-au-Prince :
Fardin, 2011
|
- « Le
flibustier », Port-au-Prince : Imprimerie
de Mme F. Smith, 1902
- « Poème
à mon âme »,
Port-au-Prince : Imprimerie de Mme F. Smith, 1905
- « Années
tendres », Paris : Fischbacher, 1907
- « Poèmes
de la mort, 1898-1905 », Paris :
Fischbacher, 1907
- « Nouveaux
poèmes : Les voix, Terre et ciel, Au delà,
Fantaisies poétiques », Paris :
Fischbacher, 1910
- « Poésies
complètes » 3 vol.,
Paris : A. Messein, 1914-1919 ; Port-au-Prince : Presses nationales
d'Haïti, 2005
- « La
vie solitaire pendant l'occupation
américaine », Port-au-Prince :
Imprimerie du séminaire adventiste, 1937
|
- Christophe
Ph. Charles, « Etzer Vilaire, sa vie, son
œuvre », Port-au-Prince :
Choucoune, 2004
- Jean-Claude
Fignolé, « Etzer Vilaire, ce
méconnu », Port-au-Prince :
Imprimerie centrale, 1970
- Roger
Gaillard, « Etzer Vilaire, témoin de nos
malheurs », Port-au-Prince : Presses
nationales, 1972
- Gladys
Jolicœur (Sœur Pascal de la Vierge),
« Etzer Vilaire, poète
chrétien », Rennes :
Faculté des lettres, 1967-1968
- Edmond
Laforest, « L'œuvre poétique de
M. Etzer Vilaire »,
Jérémie : Imprimerie du centenaire, 1907
- Stéphane
Martelly, « La notation d'une agonie :
espaces subjectifs du désastre dans Les dix hommes
noirs d'Etzer Vilaire », Ponti-Ponts,
n° 4, 2004
- Pompilus
Pradel, « Etzer Vilaire : études
critiques et textes choisis »,
Port-au-Prince : Classiques de la littérature
haïtienne, 1968
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Sur
le site « île
en île » :
dossier Etzer Vilaire |
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mise-à-jour : 5
février 2018 |
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