Racontars de rapin / Paul
Gauguin ; présentation, notes et postface de
Bertrand Leclair. - Paris : Mercure de France, 2003. -
85 p. : ill. ; 21 cm.
ISBN 2-7152-2407-9
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Cher Monsieur Fontainas,
Je vous envoie ce petit manuscrit
écrit à la hâte, à seule fin
que l'ayant lu et (si approbation de votre part) vous en demandiez pour
moi au Mercure de France la publication.
(...)
☐ Paul
Gauguin, (Atuona), septembre 1902
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En dépit des efforts d'André
Fontainas, la célèbre revue ne publia pas, en son
temps, le « petit
manuscrit » ; ce n'est qu'en 1951 qu'il
fut, dans son intégralité, rendu accessible au
public (éd. Falaize établie par les soins de Mme
Joly-Segalen). Un homme est directement responsable de cette
rebuffade : le critique Camille Mauclair, pugnace
défenseur de tous les académismes et grand
pourfendeur jusqu'à sa mort, en 1945, de l'art
dégénéré. Les Racontars
de rapin ne pouvaient qu'exciter la hargne de
Mauclair ; Gauguin y mène une charge
enlevée contre la critique de son temps.
Un siècle
plus tard, le « petit
manuscrit » aurait-il perdu de son
à-propos ? « Tout
change » concède Bertrand
Leclair dans la postface, avant d'ajouter « et
rien ne change (la mécanique est
intacte) ». Au-delà enfin de ce
débat sur une critique d'autant plus redoutable qu'elle « prétend
s'appuyer sur un savoir validé par les instances
universitaires », il reste le regard
pertinent et fraternel que le
« sauvage » d'Atuona porte sur un
demi-siècle de peinture en France : Millet, Renoir,
Pissarro, Cézanne, Carrière, Puvis de Chavannes,
Corot, Courbet, Manet, Degas, ... et sur quelques uns de leurs
grands prédécesseurs : Giotto,
Velasquez, Rembrandt, Cimabue, …
Il est bon qu'un siècle
plus tard le Mercure de France renoue le fil.
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EXTRAIT |
Devant son chevalet, le peintre n'est esclave ni
du passé, ni du présent : ni de la
nature, ni de son voisin.
Lui encore lui, toujours lui.
Dans le kaleïdoscope, un tas de choses sages.
Vous remuez et cela donne une figure sage ou folle, ou bien un tas de
folies. Vous remuez et vous avez une image folle ou sage.
Cet effort dont je parle fut fait il y a environ une vingtaine
d'années, sourdement, en état d'ignorance mais
cependant résolu : puis il alla en s'affermissant.
Que chacun s'attribue l'enfantement de l'œuvre !
Qu'importe.
Ce qui importe, c'est ce qui est aujourd'hui et qui va ouvrir la marche
de l'art au XXe
siècle.
Rien ne vient par hasard.
Ce n'est pas un hasard qu'à un moment donné,
à côté de l'Officiel pataugeant,
voulant être à demi moderne, appelant à
la rescousse parmi eux ceux qu'il reniait la veille, d'une
part ; d'autre part, à côté de
quelques écoles de plein air (si vous voulez), ce n'est pas
par hasard qu'est survenue toute une jeunesse étonnante
d'intelligence, d'art varié, semblant chaque jour
résoudre tous les problèmes auxquels on ne
songeait pas auparavant.
C'est que la Bastille qui faisait peur était
démolie, c'est que l'air libre était bon
à respirer.
☐ pp. 49-50
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Racontars
de rapin » texte établi par Mme
Hélène Chastanet , préface de Mme
Joly-Segalen, Paris : Éd. Georges Falaize, 1951
- « Racontars
de rapin », Monaco : Éd. Sauret,
1993
- « Racontars de rapin »
éd. enrichie de 18 monotypes, suivie de Art de
papou et chant de rossignoou, la lutte pour les peintres, par
Victor Merlhès, Taravao (Tahiti) : Éd.
Avant et après, 1994
- « Racontars de rapin » [suivi de] Gauguin dans son dernier décor
de Victor Segalen et d'une préface de Franck Guyon,
Angoulême : Marguerite Waknine (Ecrits sur l'art, 12), 2010,
2013
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mise-à-jour : 24 avril 2020 |
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