Femmes
tahitiennes : aujourd'hui chez Rarahu / Louis-Charles
Royer ;
ill. de G. Pavis. - Paris : Les Éditions de France,
1939. -
IV-229 p. : ill. ; 19 cm.
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J'ai
eu la curiosité d'aller passer mes vacances dans l'Ile
enchantée, de voir ce qu'était devenue Rarahu, ou
du moins celles qui tiennent le même galant emploi
auprès des navigateurs de passage. Ceci n'est que le
récit d'une brève visite chez elles ;
mais le reporter n'a pas les mêmes droit que le romancier. On
ne trouvera, ici, que la vérité, rien que la
vérité.
Préambule,
p. 4
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Journaliste et écrivain, Louis-Charles Royer
(1885-1970) a su mêler astucieusement érotisme et exotisme pour flatter
les croyances et les goûts d'une frange de la “ bonne ” bourgeoisie. Le
succès n'a pas manqué comme en témoignent les nombreuses
rééditions — ornées de couvertures signées, pour les plus aguichantes,
par Jean-Gabriel Domergue le
peintre de “ la
Parisienne ” et de la “ pin-up ”.
“ Femmes tahitiennes ” regroupe
une série de reportages réalisés pour
la revue Gringoire
où ils ont été
pré-publiés entre janvier et mars 1938. Le recueil respecte scrupuleusement le programme annoncé
dans le “ préambule ”, mais l'égocentrisme narcissique
de l'auteur repousse à l'arrière-plan Mareva,
Pounaoua, Téouïra, Maroura,
“ Coco ”, Nouï,
Tétou, Vahinétoua, et les autres.
En conclusion de son “ reportage ”, l'auteur avoue n'avoir rencontré
que “ des filles sans âme, mais au corps
splendide ” (p. 225). Le père
O'Reilly juge le texte sans ménagement :
“ Papeete vu sous son aspect le plus vulgaire par un
touriste pressé ” 1.
Mais l'auteur n'est pas seul en cause ; il écrivait pour
satisfaire
les attentes de ses contemporains et, à
l'évidence, il a réussi. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Louis-Charles Royer insiste pesamment chaque fois qu'il en a l'occasion
sur la paresse des Tahitien(ne)s ; or ce
préjugé tenace qui, plus
généralement, porte sur les indigènes de l'outre-mer
(anciennes colonies), n'a rien perdu de sa vigueur — même
et surtout quand il relaie sans vergogne des lieux communs transmis de siècle en siècle.
On note enfin que, sauf rares exceptions, la galerie de portraits
est chiche d'incarnation. Ceux qui vivaient à Tahiti à
l'époque reconnaîtront peut-être
quelques silhouettes familières. Une seule figure
— masculine ! —
émerge, en quelques lignes et dans l'anonymat,
celle d'un marin breton 2 qui, seul sur un cotre de 12,50
mètres, avait navigué de Camaret à
Papeete en passant par le détroit de Magellan —
“ plus fort qu'Alain Gerbault ” (p. 34). 1. | “ Bibliographie
de Tahiti et de la Polynésie
française ”, Paris :
Société des Océanistes, 1967
(# 1723, p. 203) | 2. | Louis
Bernicot (1883-1952), excellent marin aussi discret qu'intrépide … [Wikipédia] |
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EXTRAIT |
Lorsqu'on me demande : — Qu'est-ce qui vous a le plus frappé, à Tahiti ? Je réponds sans hésiter : — C'est l'unique pays au monde où je n'ai pas rencontré un seul mendiant. De bonnes âmes m'en ont donné l'explication. — Les
Tahitiens n'ont pas besoin de mendier, disent-elles ; même
les plus pauvres sont assurés de ne pas mourir de faim. Ils
n'ont qu'à cueillir des fruits. L'arbre à pain leur
assure — c'est le cas de le dire —le pain
quotidien. Et le bananier, le manguier ! Et le goyavier, etc., etc. Évidemment, en se mettant au régime frugivore, les indigènes n'ont pas besoin d'aller chez le boucher. Et
puis il y a le poisson. […] Faute d'une connaissance approfondie
de la faune aquatique de ces parages, un certain nombre
d'Européens — et même d'indigènes —
sont morts empoisonnés. Ceci
dit, admettons qu'avec le poisson cru, le fruit de l'arbre à
pain — qu'il faut cuire — et tous les autres
fruits, le Tahitien peut se nourrir.
Mais il faut s'habiller. On ne peut plus aller tout nu, malheureusement. Le paréo
lui-même, cette bande d'étoffe rectangulaire dont les
Tahitiens, jadis, faisaient leur seul vêtement, fut, à un
moment, interdit. […] Alors,
l'inépuisable bonté de cette race supplée à
tout. Les riches aident les plus déshérités de la
famille, et la famille, à Tahiti, c'est un peu tout le monde. Parenthèse. Après
Loti et tous les écrivains voyageurs qui ont passé
là-bas, je répète que les parents se repassent
leurs enfants avec une facilité surprenante. […] Tout
le monde, donc, se refilant les gosses, de mère en tante, de
cousins à cousines, et même sans aucun lien de
parenté, les “ familles ” sont tellement
mélangées que n'importe qui peut en être. L'hospitalité plus qu'écossaise assure à tous le couvert … et le pantalon. — Alors, direz-vous, pourquoi mendier ? […] Aucun écriteau, dans Papeete ni dans les autres villages de l'île, pour rappeler que La mendicité est interdite sur le territoire de la commune. Mais les Tahitiens ne mendient jamais. C'est tout.
☐ pp. 100-106 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Louis-Charles
Royer, « Femmes
tahitiennes : aujourd'hui chez Rarahu »,
Paris : Éditions Rabelais, 1965
|
- Louis-Charles
Royer, « L'amour à
Honolulu : choses vues », Paris :
Éditions
de France, 1933
- Louis-Charles
Royer, « Vaudou, roman de mœurs
martiniquaises », Paris : Éditions de France,
1944
- Louis-Charles
Royer, « Les amants de
Majorque », Paris : Éditions de Paris,
1955
- Louis
Charles Royer, « Paradis perdu » ill. de
Jacques Boullaire, Paris : Éditions de Paris, 1955
|
- Louis
Bernicot, « La
croisière d'Anahita », Paris :
Gallimard (Carnets de voyage), 1939
- Louis
Bernicot, « La
croisière d'Anahita » nouv.
éd.
augmentée réalisée par Éric
Vibart,
Paris : Gallimard (Écrits
sur la mer), 2002
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mise-à-jour : 16
août 2019 |
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Les Éd. de France, 1939 |
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Éd. Rabelais, 1965
couv. ill. par Jean-Gabriel Domergue |
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