Michelle de Kretser

L'affaire Hamilton

Philippe Rey

Paris, 2006
bibliothèque insulaire
   
des femmes et des îles

parutions 2006

L'affaire Hamilton / Michelle de Kretser ; trad. de l'anglais par Françoise Adelstain. - Paris : Philippe Rey, 2006. - 311 p. ; 22 cm.
ISBN 2-84876-047-8
L'affaire Hamilton qui donne son titre au roman de Michelle de Kretser y tient une place modeste en apparence — c'est, enchassée au milieu de l'œuvre, l'histoire banale du meurtre d'un planteur britannique, d'une enquête baclée, d'un procès expéditif et du suicide du principal suspect. Mais cet épisode dramatique, relaté en quelques dizaines de pages, fournit une clef utile à la lecture d'un ensemble ambitieux où fleurissent à chaque instant ambiguïtés et faux semblants.

À l'instar de l'affaire Hamilton, les derniers temps de la colonisation britannique à Ceylan et l'émergence des pouvoirs sociaux et politiques appelés à prendre le relai brouillent les habituels repères de lecture en multipliant les points de vue. Michelle de Kretser ne propose pas, comme pourraient le laisser croire les pages d'ouverture, la chronique d'un monde finissant tenue par un juriste imbu de lui-même, désabusé et sans humour, « mais un récit plongeant au cœur des évènements, la vie ricochant à chaque page ».

Ce parcours lent et tortueux rythmé par la mousson accorde une place de choix aux femmes — Maud la mère extravagante, Claudia la sœur trop aimée — entre lesquelles tente de se déployer l'existence de Sam Obeyesekere, témoin impuissant de sa propre histoire, de celle de sa famille, de celle de son île.

❙ Née au Sri Lanka, Michelle de Kretser a émigré en Australie à l'âge de 14 ans. Après avoir obtenu une licence de lettres à Paris et enseigné durant une année à Montpellier, elle a été longtemps l'éditrice de la série française des guides Lonely Planet.
EXTRAIT Tous les deux ou trois mois, un bolanool venait à la maison, un Maure avec une main atrophiée et portant sur la tête un coffre de fer. Il voyageait sans hâte, content de s'accroupir des heures en buvant une tasse de thé très sucré. Maud lui achetait rarement plus qu'un paquet d'aiguilles ou une bobine de fil de Glasgow, mais il insistait toujours pour déballer le contenu entier de son coffre. Comme tous les colporteurs, il s'entendait en magie. Son tour consistait à faire apparaître un monde plein de merveilles, le résidu des rêves de chaque enfant. Le Maure glissait dans la main de Maud un dé à coudre décoré de pavots, ou un cylindre laqué contenant des épingles à tête de verre. Les petits objets détiennent leur propre pouvoir ; elle se retrouvait en train d'acheter une carte de boutons verts ou un écheveau de fil de soie écarlate ; toutes choses dont elle n'avait pas l'usage, mais qu'elle convoitait avec le désir non dissimulé d'un enfant.

[…]

Selon le Maure, la vieille dame dans la grande maison était folle. Mais son affirmation n'avait rien de méprisant. Chez lui, le sentiment religieux s'exprimait par une large tolérance ; la folie, pensait-il, n'était pas très loin de la sainteté. Il lui paraissait évident que la femme dont l'errance à travers la jungle faisait l'objet de commentaires à des kilomètres à la ronde avait été touchée du même doigt que le saint homme enduit de cendres qui suivait les routes de pélerinages hindous les yeux pleins de dieu et de mortification.
Grand, les pommettes saillantes et la langue acérée, le Maure transformait la véranda en une scène de théâtre drapée de pacotille. Il était capable de marchander âprement une tresse de galon ou une pièce de dentelle de Petah ; puis d'offrir, pour rien, cette marchandise si rare : une bonne conversation.

pp. 215-216
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « The Hamilton case », Londres : Chatto & Windus, 2003
  • O.L. de Kretser, « The Pope murder case », Colombo : Caxton press, 1942

mise-à-jour : 22 janvier 2007

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