Nos
contrées sauvages / Cate Kennedy ; trad. de l'anglais
(Australie) par Carine Chichereau. - Arles : Actes sud, 2015. -
348 p. ; 24 cm. ISBN 978-2-330-04873-0
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Dans
une petite ville australienne, Sandy élève seule sa fille
Sophie. C'est d'un mauvais œil qu'elle voit l'irruption dans leur
vie de Rich, le père de Sophie, qui était parti peu
après sa naissance. Soignant son image d'éternel
aventurier, Rich propose à sa fille, pour ses quinze ans, un
trek d'une semaine sur l’île de Tasmanie. À
l'endroit même où Sandy et lui s'étaient
rencontrés lors d'une action militante contre la construction
d'un barrage.
Sophie, adolescente gothique rivée à
son portable, fait tout pour arracher l'accord à cette
mère, dont l'affection débordante et les préceptes
hippies l'insupportent. Enfin elle aura l'opportunité de faire
connaissance avec son père !
Alors que père
et fille s'engagent sur les sentiers d'une randonnée
vertigineuse, Sandy part en retraite spirituelle pour calmer ses
angoisses.
Mais Rich fait courir des dangers à Sophie que même Sandy n'a pas imaginés.
Rancœurs,
douleurs enfouies, petits arrangements avec la
vérité : Cate Kennedy dresse une cartographie
sensible des contrées sauvages de l'âme humaine.
L'enchantement
et la force de ce roman émanent du regard vif et
décapant, souvent drôle, que porte l'auteur sur ses trois
protagonistes. D'une écriture alerte, l'histoire est
alternativement racontée du point de vue de chacun d’eux
— sous l'angle de trois expériences bien
différentes. Tout ici est vibrant de vie.
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PATRICK NESS : […]
Kennedy's
wilderness isn't the sun-blasted outback, it's the freezing,
rain-soaked Tasmanian mountains, with their blazing red fagus trees and
bizarre, secretive wildlife. It's a bewildering heart of darkness over
which a selfish man like Rich will always singularly fail to triumph.
But possibly not someone as self-possessed as Sophie.
[…]
☐ extrait d'un compte-rendu de lecture (édition en anglais du roman) paru dans The Guardian, 9 octobre 2010 [en ligne]
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EXTRAIT |
À Hobart, Rich emmène Sophie des quais
directement au musée. Activité neutre, normale, à
partager avec elle tant qu'ils ne se connaissent pas encore bien. Ils
s'arrêtent tous deux au même endroit, devant une
vidéo qui passe en boucle.
“ Thylacine,
ou tigre de Tasmanie ”, dit la légende. Le vieux film
montre un thylacine arpentant sa cage en 1936, en attendant qu'on
l'oublie, car une nuit où les températures tomberont
au-dessous de zéro le gardien omettra d'ouvrir la porte de
l'enclos où il aurait pu se réfugier. Coincé
dehors, sans abri, il succomba au froid. Voici le dernier thylacine,
mort en captivité, dit la légende. Nul ne sait quand le
dernier périt en pleine nature, en revanche. Dans le film,
l'animal ouvre ses mâchoires extraordinaires, secoue la
tête. Sur son dos, des rayures délicates et uniformes. On
voit une main l'agacer hors de l'enclos, mais le tigre de Tasmanie
reste assis sur son arrière-train et sa queue puissante,
semblable à n'importe quel marsupial. Puis il se retourne vers
la caméra pour vous regarder droit dans les yeux de ses
prunelles noires, insondables. Passé un malaise de quelques
secondes, il se remet à longer le grillage avec cette même
misère apeurée.
Le
mauvais film recommence dès qu'il se termine, et l'animal tourne
de nouveau vers vous sa lourde tête et son regard anxieux et vide. “ On dirait qu'il nous demande pourquoi ?, finit par déclarer Rich, rompant le silence. — Non, c'est plutôt je ne comprends pas, répond Sophie. — Comprendre quoi ? ”
Elle
réfléchit, regarde le thylacine naturalisé dans sa
vitrine plus loin, ses yeux ombrageux remplacés par de faux
globes de verre jaune, comme des billes. “ J'en sais rien ”, murmure-t-elle.
☐ pp. 105-106 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « The world beneath », Melbourne : Scribe, 2009
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mise-à-jour : 21 septembre 2018 |
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