Heinrich Zimmermann

Le dernier voyage du capitaine Cook, trad. par Christophe Lucchese, éd. par Isabelle Merle

Anacharsis

Toulouse, 2019
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errances

parutions 2019

Le dernier voyage du capitaine Cook / Heinrich Zimmermann ; traduit de l’allemand par Christophe Lucchese ; introduction et notes d’Isabelle Merle ; suivi de Interpréter la mort de Cook : les enquêtes de Marshall Sahlins, par Isabelle Merle. - Toulouse : Anacharsis, 2019. - 160 p. ; 20 cm.
ISBN 979-10-92011-81-4
Heinrich Zimmermann (1741-1805) est né en Allemagne, dans le Baden Württemberg ; il a trente-cinq ans et aucune expérience de la mer quand il embarque sur la Discovery qui participe à la troisième expédition de découverte du capitaine Cook 1. Il est donc à plus d'un titre un outsider : ni britannique, ni marin … et sans statut social valorisant. Il réussit pourtant à se faire une place à bord où il obtient la qualification de ship's coxswain qui l'autorise à tenir la barre.

Comme tous les officiers et membres d'équipage, Heinrich Zimmermann ne doit en aucun cas tenir un journal personnel ni, surtout, le faire publier au retour de l'expédition ; comme nombre d'autres il n'a pas respecté cette injonction et son récit paraît à Mannheim en 1781, soit trois ans environ avant la publication de la relation officielle à Londres.

La préface d'Isabelle Merle précise les circonstances et les implications de la parution du récit de Zimmermann et souligne l'intérêt de ce regard décalé qui permet une mise en perspective de la relation officielle en échappant, en outre, aux convenances résultant du contrôle vigilant de l'Amirauté britannique. On notera ainsi que Zimmermann n'hésite pas à critiquer certaines décisions du capitaine Cook, notamment dans ses rapports avec les insulaires ; le regard qu'il porte sur Omai se démarque également par sa liberté de ton. 

La postface d'Isabelle Merle revient enfin sur l'événement le plus frappant de ce troisième voyage : la mort du capitaine Cook aux îles Hawaii. La lecture et l'interprétation des péripéties qui ont précédé et suivi l'événement sont à l'origine d'une vive polémique entre l'anthropologue américain Marshall Sahlins et son confrère Gananath Obeyesekere originaire du Sri Lanka. L'enjeu théorique de ces échanges reste d'actualité — à l'heure où s'épanouissent les études postcoloniales.
       
1. Principales escales insulaires mentionnées par Heinrich Zimmermann : îles Kerguelen, Tasmanie, Nouvelle-Zélande, îles Cook, Tonga, Tahiti, Moorea et les Îles-sous-le-Vent, Kiribati (Christmas island), îles Hawaii, îles Aléoutiennes, …
EXTRAIT Le 30 août [1777], nous arrivâmes à l'île Morea qui n'avait pas encore été visitée ni par Monsieur Cook ni par Monsieur Wallis, ni par quiconque de notre connaissance, et jetâmes l'ancre dans un beau et fort paisible port.

Nous y trouvâmes du bois de chauffage dans des quantités dépassant de loin toutes les autres îles de Tahiti, nous permettant ainsi d'en constituer de bonnes réserves. L'île présentant en outre de belles et grandes prairies, nous y emmenâmes paître nos bestiaux, mais bientôt après les habitants nous subtilisèrent une chèvre.

Monsieur le capitaine Cook se rendit à terre sur le champ et demanda une audience au roi ; les habitants s'excusèrent en disant ne rien savoir. Et lorsqu'il s'enquit de la chèvre dérobée, ils ne lui répondirent pas autrement, le raillèrent et s'enfuirent en toute hâte dans les fourrés.

Fidèle à son caractère, Monsieur Cook fulmina et, deux jours durant, ordonna aux soldats de brûler les cahutes, et aux marins d'apporter la désolation sur les côtes et de couler toutes les embarcations indigènes, si bien qu'il faudra cent ans et plus aux habitants pour réparer les dommages que nous leur avons causés. Ces peuplades détenaient les plus somptueuses pirogues en leur genre, dont certaines très grandes et exécutées avec beaucoup de soin. Aussi je ne cautionne pas entièrement les agissements de Monsieur Cook. Nous ne manquâmes pas de remarquer qu'Omai en personne et trois de ses rameurs étaient parmi les plus actifs à semer la destruction, faisant montre de bien plus de zèle que nous, Européens.

Tandis que, au deuxième jour de dévastation, nous retournions aux navires, le chèvre fut bien vite rapportée par les habitants dans le troupeau qui paissait encore.

pp. 76-77
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Heinrich Zimmermann, « Reise um die Welt mit Capitain Cook », Mannheim : bei C.F. Schwan, 1781
  • Heinrich Zimmermann, « Dernier voyage du capitaine Cook autour du monde, où se trouvent les circonstances de sa mort » traduit [par Roland] avec un abrégé de la vie de ce navigateur célèbre et des notes, Berne : Nouvelle Société typographique, 1782
  • « A voyage to the Pacific ocean (…) performed under the direction of captains Cook, Clerke and Gore, in HMS the Resolution and Discovery, in the years 1776, 1777, 1778, 1779 and 1780 » (3 vol et 1 atlas) London : G. Nicol and T. Cadell, 1784
  • « Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l'Océan Pacifique (…) exécuté sous la direction des Capitaines Cook, Clerke & Gore sur les Vaisseaux La Résolution & La Découverte en 1776, 1777, 1778, 1779 & 1780 » (4 vol.), Paris : [Charles-Joseph Panckoucke] Hôtel de Thou, 1785
  • « The Journals of captain James Cook on his voyages of discovery, Vol. 3 : The voyage of the Resolution and Discovery, 1776-1780 » (2 parts), ed. by J. C. Beaglehole, Cambridge : The University press, 1967
  • James Cook, « Relations de voyage autour du monde, vol. II : troisième voyage » trad. de l'anglais par Gabrielle Rives, choix, introduction et notes par Christopher Lloyd, Paris : François Maspero (La Découverte poche, 16), 1980
  • William Ellis, « An authentic narrative of a voyage performed by captain Cook and captain Clerke in His Majesty's Ship Resolution and Discovery during the years 1776, 1777, 1778, 1779, and 1780 (…) », London : G. Robinson, J. Sewell & J. Debrett, 1782
  • « Captain Cook's final voyage : the Journal of midshipman George Gilbert » edited by Christine Holmes, Honolulu : University press of Hawaii, 1982
  • John Ledyard, « A Journal of Captain Cook's last voyage to the Pacific ocean (…) », Hartford (Conn.) : Nathaniel Patten, 1783
  • John Rickman, « Journal of Captain Cook's last voyage to the Pacific ocean, on Discovery, (…) », London : E. Newbery, 1781
  • Marshall Sahlins, « Captain James Cook, or the dying god », in Islands of history, Chicago : University of Chicago press, 1985
  • Marshall Sahlins, « Le capitaine Cook ou le dieu qui meurt », in Des îles dans l'histoire, Paris : Gallimard, Le Seuil (Hautes études), 1989
  • Marshall Sahlins, « How “ Natives ” think : about captain Cook, for example », Chicago : University of Chicago press, 1995
  • Gananath Obeyesekere, « The apotheosis of captain Cook : European mythmaking in the Pacific », Princeton : Princeton university press, Honolulu : Bernice P. Bishop museum, 1992, 1997
→ Francis Zimmermann, “ Sahlins, Obeyesekere et la mort du capitaine Cook ”, L'Homme, 1998, 146, pp. 191-205 [en ligne]

mise-à-jour : 29 janvier 2020
Heinrich Zimmermann : Le dernier voyage du capitaine Cook
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