Le voyage à
Samoa : lettres à Marguerite Moreno (octobre 1901-mars
1902) / Marcel Schwob. - Toulouse : Ombres, 1990. - 131 p. ;
20 cm.
ISBN 2-905964-33-2
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Marcel Schwob s'est inlassablement employé à faire connaître et apprécier
en France Stevenson et son œuvre. Les deux écrivains
ont échangé des lettres ; Stevenson ne croyait
pas à l'éventualité d'une rencontre avec
son admirateur parisien : I do not see much chance of
our meeting in the flesh ; Schwob s'affichait
optimiste : Quand je viendrai, nous dînerons chez
Lapérouse, si c'est encore un bon restaurant, nous regarderons
couler la Seine verdoyante, et nous parlerons de Villon 1.
Stevenson était clairvoyant,
Schwob déterminé. Sept ans après la mort
de Stevenson, en octobre 1901, Schwob embarque à Marseille
sur la Ville de La Ciotat à destination des îles
Samoa ; la croisière est mouvementée, mais
le 31 décembre, à bord du Manapouri, il
est en rade d'Apia (Upolu) : Une longue ligne de montagnes
couverte par la brousse vert sombre, une baie ronde bordée
de cocotiers sur une grève noire, au large, les barres
des récifs de corail avec leur sable jaune, un soleil
de plomb, de longs brisants […] Apia n'est qu'une ligne de
maisonnettes basses de bois montées sur pilotis. Quelle
solitude et combien ce spectacle est inattendu pour moi ! 2.
Les lettres que Marcel Schwob
adresse à sa femme, Marguerite Moreno, transcrivent un
pélerinage paradoxal d'où Stevenson — son
souvenir — semble absent. Demeure le témoignage
poignant d'une croisière insensée ; Schwob
souffre d'une pneumonie qui lui laisse peu de répit, mais
il s'indigne du racisme de ses compatriotes et s'émerveille
à la vue des îles innombrables qui, de la Corse
à Ceylan et Viti Levu émaillent le voyage jusqu'à
Samoa. 1. | Extraits de lettres cités par Thomas Regnier, Magazine Littéraire, n° 415, décembre 2002, p. 83 | 2. | « Le voyage à Samoa », p. 90 |
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EXTRAIT |
Les filles de Samoa ne sont pas
jolies […]. La beauté polynésienne est un leurre.
Elles ne sont pas femmes, mais jeunes filles, rieuses, et aimant
ô le siva', ô le peti, la danse, les chansons. Mais
j'aime les gens de Samoa et j'ai du regret de la maison polynésienne,
de son cailloutis de pierres noires, avec ses nattes, son toit
rond et sa charpente compliquée, solide et flexible, et
ses piliers en bois d'arbre à pain. Mais le paysage de
Samoa n'est pas nostalgique. Rien que les cocotiers, les fa'u
et quelques hibiscus, l'arbre à pain, le bananier. Le
ressac sur les récifs n'a pas la gravité profonde
du ressac à Ceylan et les couleurs ne sont pas tentantes.[…]
La mer est plate et le ciel des tropiques bleu pâle et
blanc avec sa grosse ceinture de vapeurs épaisses et coloriées
à l'horizon où se poursuivent des formes pareilles
à des esquisses de Michel-Ange — des barques de feu,
des mouchoirs de batiste noirs, de petites flammes très
roses, des îlots noirâtres, et des bancs épais
tranchés par en-dessous comme au couteau. Et toujours
surgissent sur la mer des îles, des montagnes côniques
jaune vert avec des arbres noirs, des dos de cétacés
dormants. C'est le pays des îles — c'est vraiment
la Polynésie.
☐ pp. 100-101
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Voyage à
Samoa » in Œuvres complètes de Marcel Schwob
(vol. 10), Paris : François Bernouard, 1930
- « Vers
Samoa : lettres à Marguerite Moreno, octobre 1901-mars
1902 » éd. par Bernard Gauthier — contient
le Journal d'un
voyage à Samoa par Port-Saïd, Djibouti, Ceylan et
l'Australie et, en appendice, des lettres de Robert Louis Stevenson
à Marcel Schwob —, Toulouse : Ombres, 2002
- « Voyage à
Samoa » éd. établie par Bernard Gauthier,
in Œuvres de Marcel Schwob, textes réunis et présentés
par Alexandre Gefen, Paris : Les Belles lettres, 2002
| - «
Maua » édition établie et
présentée par Sylvain Goudemare, Paris : La Table ronde,
2009
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mise-à-jour : 9 mars 2017 |
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