Cinq Cubains à
Miami / Maurice Lemoine. - Paris : Don Quichotte, 2010. -
1048 p. ; 23 cm.
ISBN
978-2-35949-020-6
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… comme
dit le colonel : « Mieux vaut monter sur le
dos du
tigre que de le laisser vous arracher la gorge. »
☐ p. 181 |
Gerardo
Hernández, Ramón Labañino,
René
González, Fernando González, Antonio Guerrero
— dans les années 90, ces cinq Cubains
infiltrés en Floride tentent de déjouer les
intrigues des
clans d'exilés
historiques déterminés
à précipiter la chute du régime
castriste en
jouant de leurs relations avec le crime organisé et de la
complaisance de la CIA, du FBI ainsi que de la frange la plus
extrémiste du parti républicain. Après
plusieurs
années de collecte de renseignements, et de
précieux
succès — prévention
d'attentats sur le sol
cubain —, les cinq espions sont
arrêtés le 12 septembre 1998.
Le récit
romancé que propose Maurice Lemoine repose sur une
enquête méticuleuse et sur les
témoignages des
proches et des avocats des Cinq.
L'auteur
ne dissimule pas la sympathie qu'il porte à une cause peu
connue
en France mais qui a soulevé de violents et durables
mouvements
d'opinion aux Etats-Unis où les Cinq ont
réussi à faire l'unanimité ou presque
à
leur détriment tandis que, très logiquement, on
les tient
pour des héros à Cuba. Cette page d'histoire
encore
inachevée fournit la trame d'un long récit
— plus de 1 000 pages —
qui prend son essor
en 1976 pour s'achever une trentaine d'années plus tard.
On
y lit en toile de fond la chronique d'une relation complexe entre deux
états engagés dans un rapport de forces
déséquilibré qu'exacerbe la
proximité
géographique : 200 kilomètres
à peine
séparent l'île des côtes de Floride.
Dès les
premières pages est rappelé l'attentat
anti-castriste
contre le vol de la compagnie Cubana entre La Barbade et la
Jamaïque (73 victimes en octobre 1976) ; suivent
plusieurs
tentatives d'assassinat contre Fidel Castro et une série
d'attentats à l'explosif contre des hôtels de La
Havane.
Les Cinq,
ont
précisément pour mission de gagner la confiance
des
milieux contre-révolutionnaires installés en
Floride, de
recueillir les informations nécessaires aux actions de
prévention et de les transmettre aux services
concernés
à Cuba. Le premier volet du roman suit pas à pas
ce long
travail d'imprégnation et de renseignement ; il
permet de
tracer un tableau contrasté de deux univers violemment
antagonistes.
Suit,
après l'arrestation des Cinq
en
septembre 1998, la présentation du dossier à
charge
construit à leur encontre, la relation de leurs conditions
d'incarcération, du déroulement et des suites de
leur
procès. Ici, et par-delà l'engagement de
l'auteur,
apparaît clairement la conséquence du
déséquilibre entre les deux systèmes
qui
s'opposent — la première puissance
économique
et politique du monde face à une petite île
à bout
de ressources — et, par voie de
conséquence, le biais
qui entache le fonctionnement de la justice des Etats-Unis.
« Cinq
Cubains à Miami » donne encore l'occasion
d'une mise
en perspective d'événements connexes qui ont
retenu
l'attention du reste du monde tels que, par exemple, les luttes de
libération en Amérique latine, la visite du pape
Jean-Paul II à Cuba (janvier 1998), la tragique
aventure du
jeune Elián González (novembre 1999-juin 2000). A
chaque
fois se trouve soulignée la propension au repli d'une
communauté insulaire exposée, pour de bonnes ou
de
mauvaises raisons, à l'hostilité
déclarée
d'une large part du reste du monde.
NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Maurice Lemoine est écrivain, journaliste,
spécialiste de
l'Amérique latine. Ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, il
est notamment l'auteur de Chávez
Presidente ! (Flammarion, 2005).
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EXTRAIT |
MIAMI, 7
AOÛT 2000
L'antichambre du bureau de la juge Joan Sheppard.
McPherson s'est plongé dans la dernière
édition du Miami
Herald. Il entend
vaguement Phillip Weizman et Chuck Morris commenter la situation.
Le gouvernement a classifié toutes les preuves.
D'après lui, elles doivent être
traitées
conformément à la Classified Information
Procedure Act
— dite CIPA. Tout ce qui a été saisi
aux Cinq a
été gratifié du tampon
« Secret ». Les courriers, les
recettes de
cuisine, les paroles des chansons de Sylvio
Rodriguez …
Tout. Et surtout l'essentiel. Ce qui en interdit l'accès
à la défense. On nage en pleine
absurdité.
Début août — tout de
même ! La
juge a accepté de déclassifier sept cents pages
de
documents « confidentiels ».
Première
victoire — partielle, tronquée. Pression
du parquet.
Sheppard a également décidé :
ces
éléments du dossier ne pourront être
rendus publics.
Une secrétaire fait signe aux cinq hommes de la
suivre.
— Votre Honneur …
— Entrez, messieurs, comment
allez-vous ?
McPherson persifle quelque peu :
— Nous sommes pleins d'espoir, bien
entendu, mais nous
avons dû apprendre à être
réalistes.
La procureure Carole Starck-Muller est
déjà
là. Polie, courtoise même
— mais pas amicale
pour deux sous. Ils font un effort pour paraître nonchalants.
Ils
la saluent.
— Bien. Vous avez donc une nouvelle
demande.
Sous-entendu : c'est assez exaspérant.
Joaquin Pérez ouvre le feu. Il disserte pendant
trois
minutes. Il trouve la bonne longueur d'onde. Il lui vient une
question :
— Vous ne pensez pas que le FBI tente
délibérément de soustraire des
preuves ?
Le coup porte. La juge pivote sur sa chaise. Elle fait face
à l'avocat de Fernando.
— Mais pourquoi diable le FBI ferait-il
une chose pareille ?
— C'est ce que nous nous demandons.
— Ce qui signifie, pratiquement ?
— Que nous sollicitons l'accès
aux
enquêtes du FBI sur les délinquants cubains de
Miami et
leurs organisations.
Sheppard a un sourire désarmant.
— Je croyais que nous avions
renvoyé la pègre des marielitos
à
Cuba !
— Nous ne parlons pas des marielitos.
Nous parlons des terroristes de l'exil historique. Ils sont dans la
drogue, la prostitution, le jeu, l'extorsion, tout ce qui est
illégal et rentable. La drogue surtout. Et les agressions
contre
Cuba.
— Comme vous y allez.
— Tout le monde sait de quoi il s'agit, y
compris le FBI.
Pérez lui tend la requête
rédigée en
bonne et due forme. Il en donne une copie à Starck-Muller.
Elle
la parcourt rapidement. Le regard hostile qu'elle jette aux avocats
leur montre qu'ils on tapé où il fallait.
☐ pp. 729-730 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Cuba :
30 ans de révolution » textes réunis
sous la dir.
de Maurice Lemoine, Paris : Autrement (Monde, HS 35),
1989
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mise-à-jour : 15
octobre 2014 |
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