Au nom de sa majesté / Laurent Graff. - Paris : Le Dilettante, 2015. - 158 p. ; 18 cm. ISBN 978-2-84263-836-8
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| Parfois, le soleil en face me fait reculer de quelques pas.
p. 21 |
NOTE DE L'ÉDITEUR
: Nous sommes sur une petite île bretonne battue par le vent et
les rumeurs. Un promeneur étranger prend des notes sur des
feuilles volantes. Mais que peut-il bien écrire ? Au nom de Sa Majesté
est un livre irrévérencieux, qui se joue gentiment des
genres et des registres, avec pour seul gouvernail, l'écriture.
Malade
du monde, rétif à autrui et se défiant de tous les
autres, Laurent Graff se soigne à fortes doses d’insuline.
L'insuline étant, je n'apprends rien à personne, une
tendance prononcée à l'exil insulaire, à
l'insularisation forcenée : le « je » se
fait île, l'il s'isole, se désempoisse du commun, se barde
de solitude, s'encapsule, devient un électron libre de toute
attache. Opération délicate vu la fragilité de
votre bulle offerte à toutes les crevaisons. D'où le
choix d'une île loin de tout, une vraie, petite et bien bretonne,
rongée des flots et battue comme plâtre par les vents,
avec de vrais morceaux d'îliens en surface.
Seul, en
location estivale, Graff nous fait les honneurs du lieu, d'abord
à coups d'haïku minéraux, copeaux de mots qui
donnent du lieu une vision éclatée,
kaléidoscopique. On entre ensuite dans le vif du sujet : un
mémorable conseil municipal improvisé réuni chez
Graff à la suite d'une rumeur récurrente, […].
Mais arrive le temps où il faut rentrer, sur le continent et
dans le jeu, consentir à se désinsulariser. Retour sur
soi pour finir, bilan sur seize ans d'écriture,
l' « il mystérieux » de Laurent Graff
dissipe la brume, ébauche ses contours.
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EXTRAITS |
Je me levai de table et allai voir. La nuit était
tombée. L'éclairage public du village dispense une
lumière qu'on croirait d'intérieur, à la
manière d'appliques murales. Je me suis plusieurs fois
promené le soir, parfois tard ; les rues sont des couloirs,
des corridors ; on déambule au sein d'une vaste demeure de
plain-pied à ciel ouvert où les portes des maisons
donnent sur des appartements privés, tous logés à
la même enseigne, un banc de pierre sur le palier, un jardinet
par coquetterie. Même au-delà des limites du village, on a
encore l'impression d'appartenir à un espace unique, de ne pas
en sortir. On est possédé. La propriété n'a
jamais été autant un leurre qu'ici.
☐ p. 94 |
Il se dégage de [l'île] un exotisme simple, qui
s'avère incroyablement sensé. On se sent coupable de
partir, à s'en donner des gifles, à y laisser une main
pour revenir la chercher, à pleurer d'impuissance sur le bateau
en regardant par la fenêtre, à jurer de changer de vie,
à vomir de n'en rien faire.
☐ p. 102 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE En villégiature sur son île d'élection, le porte-parole de l'auteur qui a le temps de lire apprécie les auteurs qui l'ont précédé ; en particulier : | - Henri Thomas, « La joie de cette vie », Paris : Gallimard (Le Chemin), 1991
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mise-à-jour : 7 avril 2015 |
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