Voyage
en Bretagne, Par les champs et par les grèves / Gustave
Flaubert ; précédé de
“ En
Bretagne ” (extrait de Souvenirs littéraires)
de Maxime Du Camp ; présentation par Maurice
Nadeau. -
Bruxelles : Éd. Complexe, 1989. -
368 p. ;
18 cm. - (Le Regard littéraire, 26).
ISBN 2-87027-294-4
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En 1847,
Flaubert, affectivement et nerveusement fatigué, entreprend
avec
son ami Maxime Du Camp 1
un voyage en Bretagne suivant un
itinéraire soigneusement préparé
— de
Nantes vers Quimper et Brest, puis Morlaix, Saint-Brieuc, Dinan,
Saint-Malo et le Mont Saint-Michel.
De passage
à Piriac — bon air de mer —,
les amis excursionnent à l'île Dumet :
“ Je rejouis de la mer (…) ;
comme autrefois
j'ai fumé au soleil dans un trou de
rocher. — Rocher en arc, avec des petites
marguerites
roses et blanches … ”
(p. 113). Quelques
jours plus tard ils aperçoivent Arz puis Gavr'inis
“ couverte de longues fleurs bleus à
clochette sur
tige ” (p. 115). Et c'est enfin Belle-Isle
qui retient
l'attention des visiteurs. Flaubert y sent “ le
parfum de
tous les vents de la terre ”
(p. 156) ; il oublie
sa fatigue, éprouve “ une verve de
corps ”, les “ tressaillements
d'une
volupté robuste et
singulière ” (p. 159).
Sur
la côte Nord, Batz
n'est évoquée qu'en écho à
la
légende du combat de Saint Pol de Léon avec le
“ crocodile ” de l'île
(pp. 292-293).
Ne restent plus que deux escales insulaires, non des
moindres :
l'îlot du
Grand-Bey à Saint-Malo où dort Chateaubriand
— “ son immortalité
sera comme fut sa vie,
déserte des autres et tout entourée
d'orages ”
(p. 325) ; enfin, le Mont Saint-Michel (et
Tombelaine)
— “ devant nous, un grand rocher
de forme ronde,
la base garnie de murailles crénelées, le sommet
couronné d'une église ”
(p. 341).
En de
rares occasions Flaubert donne la mesure du regard qu'il porte sur le
monde qu'il explore. Ainsi, au
phare de Brest
[Pointe Saint-Mathieu] :
“ derrière vous est
toute l'Europe, toute l'Asie ; devant vous c'est la mer et
toute
la mer (…) puis (…) tout au fond,
là-bas, dans
l'horizon des rêves, la vague Amérique,
peut-être
des îles sans nom, quelque pays à fruits rouges,
à
colibris et à
sauvages, … ”
(pp. 287-288). Suit une rêverie
géographique
étroitement imbriquée avec des bribes du
légendaire armoricain : Ys,
Herbadilla, … A
Saint-Malo l'épanchement est moins romantique :
“ ça sent Terre-Neuve et la viande
salée,
l'odeur rance des longs voyages ” (p. 323),
comme une
anticipation de certaines pages de L'éducation
sentimentale.
1. |
L'ouvrage
a été écrit par Flaubert et Maxime Du
Camp ;
il n'était pas destiné à la
publication. Maxime Du
Camp a évoqué ce voyage en Bretagne dans ses
propres Souvenirs
littéraires (1882) ;
un extrait en est proposé dans cette édition
(pp. 17-28). Maxime Du Camp y évoque un
épisode du
voyage qui n'a pas été retenu dans Par les champs et par les
grèves ;
les deux amis sont à la pointe du Raz où,
tournés
vers l'île de Sein, dit-il “ nous avions lu
l'épisode de Velléda
”. |
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EXTRAIT |
Nous
étions sur la côte qui regarde la France, et nous
avions
le Palais à notre gauche. C'était sur ce
rivage-là
que nous avions vu la veille la grotte qui nous avait tant
charmés. Nous ne fûmes pas longtemps à
en trouver
d'autres plus hautes et plus profondes.
Elles s'ouvraient
toujours par de grandes ogives, droites ou penchées,
poussant
leurs jets hardis sur d'énormes pans de rocs aux coupes
régulières. Noires et veinées de
violet, rouges
comme du feu, brunes avec des lignes blanches, elles
découvraient pour nous, qui les venions voir, toutes les
variétés de leurs teintes et de leurs formes,
leurs
grâces, leurs fantaisies grandioses. Il y en avait une,
couleur
d'argent, que traversaient des veines de sang ; dans une autre
des
touffes de fleurs ressemblant à des primevères
s'étaient écloses sur les glacis de granit
rougeâtre, et du plafond tombaient sur le sable fin des
gouttes
lentes qui recommençaient toujours. Au fond de l'une
d'elles,
sur un cintre allongé, un lit de gravier blanc et poli, que
la
marée sans doute retournait et refaisait chaque jour,
semblait
être là pour recevoir au sortir des flots le corps
de la
Naïade ; mais sa couche est vide et pour toujours l'a
perdue ! Il ne reste que ces varechs encore humides
où elle
étendait ses beaux membres nus fatigués de la
nage et sur
lesquels, jusqu'à l'aurore, elle dormait au clair de lune.
☐ pp. 157-158 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Par les champs et par les
grèves » accompagné
de mélanges et
de fragments inédits, Paris : G. Charpentier, 1886
- «
Par les champs et par les grèves [suivi de]
Pyrénées, Corse »,
Paris : Louis Conard,
1910
- «
Par les champs et par les
grèves [suivi de] Pyrénées,
Corse »,
Paris : Librairie de France, 1924
|
- « Par
les champs et par les
grèves » éd. critique
par Adrianne J.
Tooke, Genève : Droz (Textes littéraires
français, 355), 1987
- « Par
les champs et par les grèves » in Voyages
éd. par Dominique Barbéris, Paris :
Arléa (Arléa-poche), 2007
- « Par
les champs et par les grèves : un voyage en
Bretagne », Rennes : La
Part commune, 2010
- « Par
les
champs et par les grèves »,
Paris :
Françoise Bourin (Le Voyage littéraire), 2011
- « Par
les champs et par les grèves » in Œuvres
complètes
de Gustave Flaubert, vol. II (1845-1851) éd. sous
la dir.
de Claudine Gothot-Mersch, Paris : Gallimard (La
Pléiade,
36), 2013
- « Par
les champs et
par les grèves », La
Tour-d'Aigues : Ed. de
l'Aube (Mikrós classique), 2017
|
→ Mme Le Herpeux,
« Flaubert et son voyage en
Bretagne », Annales
de Bretagne et des pays de l'Ouest,
1940 | 47-1 | pp. 1-152 [en
ligne]
|
- Thierry Dussard,
« Fantaisie vagabonde : en Bretagne avec Flaubert », Paris : Paulsen (Démarches), 2021
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mise-à-jour : 19 mai 2021 |
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