1878, Carnets de campagne en
Nouvelle-Calédonie / Michel Millet ;
précédé de La Guerre d'Ataï,
récit kanak [par Téâ Henri
Wênêmuu] ; présentation par
Alban Bensa. - Toulouse : Anacharsis, 2004. -
142 p. : carte ; 20 cm.
ISBN 2-914777-14-0
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Ils
venaient tout droit de la culture. Ils venaient faire les militaires, ça
les rendait tout rêveurs, d'un rêve un peu animal.
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Louis-Ferdinand
Céline, Casse-pipe.
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: En 1878, les Kanaks de Nouvelle-Calédonie,
écrasés depuis plus de vingt-cinq ans par la
machine coloniale française, se révoltent sous le
commandement du chef Ataï.
La France fait donner la troupe, et c'est ainsi que Michel Millet,
carrier de Châlon, débarque à
Nouméa, simple soldat dans l'artillerie. Il
décide de tenir ses Carnets de campagne.
Écrits au fil des jours, il y consigne les marches et
contre-marches, les errances dans la forêt moite à
pousser ou tirer un canon qui s'enlise, parle de la nourriture trop
pauvre, du sommeil rare, des ennemis omniprésents mais que
l'on n'aperçoit jamais, des colons et des
condamnés au bagne, de cette Grande Terre en proie aux
flammes et à la guérilla — de cette
grande insurrection noyée dans le sang.
Les carnets de Michel Millet ne sont pourtant pas
un simple document. L'homme de troupe, tout juste
alphabétisé, passe outre, et entre en
littérature par effraction. Son écriture
aberrante se déverse d'un trait, en une logorrhée
ignorant syntaxe, orthographe et ponctuation, pour devenir une
excroissance sans équivalent de l'oralité dans la
littérature. Car les mots de Michel Millet peignent avec une
force inattendue cette armée française en
campagne, par touches impressionistes et naïves, à
la manière de Céline dans son Casse
Pipe, à la fois loufoque et tragique. Et
voilà que surgissent de ce galimatia les
atmosphères de la Nouvelle-Calédonie
plongée dans le chaos : villages de cases
brûlés, cadavres de colons abandonnés,
têtes de Kanaks tranchées, portées
comme trophés. C'est aussi le Désert
des Tartares de Buzzati qui affleure, mais dans le
décors d'un Pacifique Sud qui a perdu toute dimension
paradisiaque.
La Guerre d'Ataï, telle que la
dénomment les Kanaks, est encore dans les
mémoires, et les chants traditionnels continuent d'alimenter
le souvenir de la grande insurrection. La traduction de l'un de ces
récits 1 est ici présentée en
introduction au texte de Millet. De la parole kanak à
l'écriture au ras du sol du soldat français, se
dévoile l'abîme de l'incompréhension
mutuelle entre les deux cultures. On trouve ici planté le
germe des déchirements toujours vivaces de la
Nouvelle-Calédonie, que l'on cherche encore à
exprimer par de justes mots.
1. |
Ce récit a
été dit par
Téâ Henri Wênêmuu à
Goapin le 25 novembre 1973 ; il a été
recueilli et est ici présenté par Alban Bensa. |
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EXTRAIT |
Mardi le 5 et le 6. [novembre 1878]
Pas d'alerte rien de nouveau, une
température douce tranquil nous pouvions admiré
toute ses belles plantes de ses pays, les arbres, les Flamboyon en
fleure avec leur panache rouge de toute beautté les cane
à sucre etait en maturité, le maïs et
beaucoup d'autre récolte.
Jeudi le 7.
Une troupe d'infenterie et parti du
coté de la ferme Agricol ils ont mi en enbuscade d'un bois
ils ont déniché un canac après trois
coup de fusil tiré, ils ont à
débusqué environ 30 sans pouvoir en
tué, toute la nuits nous avons apercus des torches
alumé sur la montagne en face de nous, mais sans aucune
alérte.
Vendredi le 8.
Quelque coup de feu se fent entendre du
coté de la gendarmeri et de grand feu dans la brousse
quoique que sa notre poste et tranquille dans la journé et
la nuits.
☐ pp. 87-88
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Roselène
Dousset, «
Colonialisme et contradictions, étude sur les causes
socio-historiques de l'insurrection de 1878 en
Nouvelle-Calédonie » préface
de Roger Bastide,
Paris, La Haye : Mouton, 1970
- Roselène
Dousset-Leenhardt, «
Colonialisme et contradictions, Nouvelle Calédonie 1878-1978
:
les causes de l'insurrection de 1878 », Paris : L'Harmattan,
1978
- Alain
Saussol, « L'insurrection de
1878 », in L'héritage :
essai sur le problème foncier
mélanésien en Nouvelle-Calédonie,
Paris : Sté des Océanistes
(Publications, 40), 1979
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mise-à-jour : 30
septembre 2011 |
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