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BERNARD GASSER : Il faut […] attendre quinze années [depuis 1969, date de la publication de deux extraits] pour que le texte d'Anova soit retrouvé et publié, à peu près dans son intégralité, par Marc Coulon, Ismet Kurtovitch et François Burck. A la préface de 1965, s'ajoute une longue introduction de ce dernier, qui en fait dans le contexte troublé de 1984 une œuvre de combat. « Histoire et psychologie des Mélanésiens » devient, de manière un peu provocante cette année-là, « D'Ataï à l'indépendance ». François Burck ne s'explique pas directement sur son titre, mais son introduction replace l'œuvre dans le contexte historique et politique des années 1944 à 1966, entre le « boom de la guerre » et le « boom du nickel ».

☐ Notre Librairie, 134, mai-août 1998

ALBAN BENSA : Apollinaire Anova Ataba (1929-1966), ce prêtre kanak originaire de Moméa, entre La Foa et Bourail, emprunte son style au discours messianique occidental pour évoquer le « grand chef Ataï » [qui] « avait prévu un soulèvement général. Déjà la liberté de son peuple luisait à l'horizon … ». Sur le même ton, Ataba exalte « la mort glorieuse du grand chef Ataï […] l'apôtre de l'union, de la liberté, de l'indépendance de son peuple et qui doit être pour les autochtones et les européens calédoniens le symble de l'espérance ¹ ». Ces écrits reprennent l'histoire de la mort d'Ataï telle qu'elle a été véhiculée par les Européens de l'époque mais en l'interprétant dans un sens révolutionniare : Ataï est ainsi présenté comme l'étendard d'une révolte contre le colonialisme français né au temps de l'Insurrection. Cette réinvention d'Ataï selon les canons des luttes de libération participe à l'évidence de l'essor du mouvement nationaliste de la fin des années 1960, qui fera du chef de l'Insurrection de 1878 une figure emblématique de la libération du peuple kanak.