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Philippe Disaine Rakotondramboahova
Sur les îles Eparses, la France ne respecte ni l'histoire ni le droit international
Pour
l’avocat Philippe Disaine Rakotondramboahova, Madagascar est
parfaitement légitime à “ exiger de pouvoir
exercer sa souveraineté ” sur l’archipel, dont
il réclame la restitution depuis plus de quarante-cinq ans. | Après
des décennies de domination française, Madagascar a
accédé à l’indépendance le
26 juin 1960 : on fêtera bientôt ses
60 ans. Pourtant, mercredi 23 octobre, le président
Emmanuel Macron a fait escale sur l’île de Grande
Glorieuse, au large de Madagascar, et a cru bon de rappeler : “ Ici, c’est la France, c’est notre fierté, notre richesse ”, ajoutant ces mots sibyllins : “ Ce n’est pas une idée creuse ”.
Pourtant, dire “ ceci est à moi ”, en
dépit de la géographie, de l’histoire et du droit
international est bel et bien une “ idée creuse ”, voire une provocation, comme cela est perçu par les Malgaches.
En
effet, lors de sa première visite d’Etat en France, du 28
mai au 3 juin, le président, Andry Rajoelina, avait
solennellement demandé à son homologue français de
mettre en place une commission mixte afin de trouver une solution pour
la restitution des îles Eparses [revendiquée par Antananarivo depuis 1973],
dont Grande Glorieuse fait partie, à Madagascar. Emmanuel Macron
avait répondu positivement à cette demande et avait
semblé ouvert à une restitution ou à une cogestion
en bonne et due forme, car, comme il l’avait lui-même
souligné, cette question “ mérite mieux que les cours de justice internationale ”. |  | Îles Eparses © AMAEPF | Les
îles Eparses constituent un archipel, qui entoure la grande
île de Madagascar. Si la France continue de déclarer
qu’elles lui appartiennent, c’est parce qu’elle a
pris soin, trois mois avant la déclaration
d’indépendance de Madagascar, de préserver ses
intérêts par un décret opportun plaçant ces
îles sous l’autorité du ministre chargé des
départements et territoires d’outre-mer. A
l’époque, le général de Gaulle avait voulu
conserver une zone économique exclusive de 640 000 km2 riche en pétrole, en gaz et en richesses halieutiques.
Or, ce décret français du 1er avril 1960
n’est pas opposable à Madagascar, qui a
accédé au statut de République autonome dès
le 10 octobre 1958. L’article 1 de sa Constitution
dispose que “ nul ne peut porter atteinte à
l’intégrité territoriale de la
République ” et que “ le territoire
national est inaliénable ”. Par conséquent,
Madagascar est parfaitement légitime à exiger de pouvoir
exercer sa pleine et entière souveraineté sur les
îles Eparses.
L'approbation de l'ONU
Du
côté malgache, ni coup de force ni déclaration
pompeuse. Antananarivo ne fait valoir que le droit. Ainsi, pour
protéger son espace maritime, plusieurs décrets ont
été pris et ont abouti à la loi du
3 février 2000 portant refonte de son code maritime.
La France ne le respecte pas. Madagascar a également
déposé une requête à
l’Assemblée générale des Nations unies, qui
a été approuvée par une résolution du
12 décembre 1979. La France ne la respecte pas. Ce
faisant, la France ne respecte pas non plus la résolution de
l’ONU du 24 octobre 1970 portant déclaration
relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats, conformément
à la Charte des Nations unies.
En mai,
l’Assemblée générale de l’ONU a
ordonné la restitution par le Royaume-Uni de l’archipel
des Chagos à la République de Maurice. La Cour
internationale de justice, dans un avis consultatif, a en effet
déclaré que cette restitution permettrait à
l’île Maurice “ d’achever la
décolonisation de son territoire dans le respect du droit des
peuples à l’autodétermination ”. La
France, de son côté, acceptera-t-elle d’en finir
avec son passé colonial ? La communauté
internationale attend en tout cas d’elle qu’elle respecte
le droit.
Philippe Disaine Rakotondramboahovaavocat au barreau de MadagascarLe Monde, 2019 |
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