Espaces urbains dans
le roman de la diaspora haïtienne / Lucienne Nicolas. -
Paris : L'Harmattan, 2002. - 304 p. ; 22 cm.
- (Critiques littéraires).
ISBN 2-7475-3047-7
|
NOTE DE L'ÉDITEUR : La littérature de la diaspora
haïtienne voit le jour avec le départ forcé
de nombreux intellectuels, notamment vers l'Europe, l'Afrique
et l'Amérique du Nord à partir des années
1960. L'arrivée dans le nouveau milieu nourrit un imaginaire
urbain qui prend de plus en plus de place dans l'écriture
des romanciers. Par sa configuration, les signes qui lui sont
propres et les différences culturelles qui la séparent
du lieu d'origine, la ville d'accueil est une révélatrice
de l'exil et de l'identité. Le rapport ainsi établi
avec l'espace urbain est double : d'une part, la ville de
la migration est lue, habitée, réinventée
à la lumière de la perte de la ville d'origine,
d'autre part, la dimension symbolique et fictive de cette ville
haïtienne se trouve accrue ou ravivée au contact
de la ville européenne ou nord-américaine.
Cet essai se présente
comme un parcours de lecture à travers des œuvres romanesques
d'écrivains nés en Haïti, mais qui écrivent
à l'extérieur de leur pays d'origine : Jean
Métellus, René Depestre, Jean-Claude Charles, Gérard
Étienne, Dany Laferrière et Émile Ollivier.
Chaque chapitre, conçu comme une monographie, contient
un aperçu de la biographie de l'auteur étudié
et une analyse qui suit à la trace l'évolution
de sa pensée et de sa vision de l'espace urbain.
La conclusion comprend une synthèse
des principales étapes de cette étude. De plus,
elle met en lumière des points de convergence malgré
la grande diversité qui existe entre les auteurs. Finalement,
elle pose la question de l'avenir de la littérature de
la diaspora haïtienne. Lucienne Nicolas est née à Jacmel (Haïti) et vit
à Montréal depuis une trentaine d'années.
Elle détient un doctorat en Études françaises
de l'Université de Montréal et enseigne le français
et la littérature au collège de Bois-de-Boulogne.
Elle fut chargée de cours au département de linguistique
à l'Université du Québec à Montréal.
|
EXTRAIT |
Le
problème de la ville dans le roman de la diaspora haïtienne
ne s'inscrit-il pas […] dans un temps historique bien
circonscrit ? La période concernée est la seconde
moitié du XXe siècle,
et la question fondamentale de l'espace urbain découle de la
réalité de l'exil. Pour mieux cerner cet objet
d'étude, je le situe dans la problématique du
départ, de l'arrivée et de la durée de l'exil.
Tout commence avec la dictature instaurée par François
Duvalier qui devient président d'Haïti en 1957. […]
La répression a pour conséquence un véritable
exode forcé qui s'est produit par vagues successives : des
Haïtiens de tous les milieux sociaux et professionnels fuient le
régime politique et la désastreuse situation
économique, sociale et culturelle qui en découle pour se
trouver une terre d'accueil et échapper à la mort,
à la prison ou à la misère. On parle alors de plus
d'un million d'Haïtiens dispersés sur trois continents
(l'Europe, l'Afrique et l'Amérique) et, par conséquent,
d'une diaspora haïtienne dont font partie de nombreux
écrivains : René Depestre, Jean Métellus,
Serge Legagneur, Marie Chauvet, Georges Anglade, Jean-Claude Charles,
Gérard Étienne, Liliane Dévieux, Maximilien
Laroche, Émile Ollivier, Joël Des Rosiers, Alix Renaud,
Dany Laferrière, etc.
Que peut signifier l'arrivée
dans une nouvelle ville pour un exilé ? Historiquement, la
définition de la ville indique une délimitation dans un
espace géographique choisi et aménagé,
« informé et transformé par
l'homme » […] Le nouvel arrivé dans la ville autre
[…] fait l'expérience de l'exil, de la solitude, de
l'anonymat et de l'altérité. […] La nouvelle ville
se pose alors comme une révélatrice
de l'étrangeté et de l'identité. En même
temps, la nostalgie de la ville perdue nourrit cette distance, car la
mémoire des lieux et des personnes qui les habitent peut surgir
à tout instant et rappeler la coupure, la séparation, la
perte. […]
D'autre part, l'exil dans ses débuts,
écrit Cioran, est « une école de
vertige » qui fait naître ce
« supplément de talent » propice à
la création.
☐ Introduction, pp. 8-9
|
|
|
mise-à-jour : 27 juillet 2017 |
| |
|