JEAN-PIERRE SAINTON : Lire les poèmes de Karibé
Mamba, c'est comme faire l'expérience aujourd'hui du tumulte
de l'âme d'une jeunesse guadeloupéenne des années
soixante. Y retrouver tout l'idéalisme passionné,
avec cette violence contenue irriguant l'espoir généreux,
qui animait cette jeunesse-là.
Au pays, c'était encore le temps de la société coloniale d'habitation.
[…]
C'était aussi le mythe naissant du GONG, première
organisation indépendantiste de l'histoire de la Guadeloupe,
née en France en juin 1963 […].
Et pas très loins de l'île, les sons de Cuba libre
ouvraient les cœurs et les yeux, grands de fierté et
d'espoir sur nos premières identifications caraïbes.
Les salves meurtrières des fusils colonialistes tirées
depuis Djibouti, résonnant aux oreilles de ceux des Guadeloupéens
qui les avaient entendues ne pouvaient qu'attiser le sentiment
internationaliste de la solidarité fraternelle qui tenait,
étroitement embrassés la sœur du Viet Nam, la
mère Afrique, et les frères d'Amérique.
Elles ne laissaient pas supposer que cela fût possible
aussi chez nous.
Mais ce fut, au milieu de toute cette effervescence du monde,
l'année 1967.
Celle-là même où la Guadeloupe rebelle entra
meurtrie sur la scène des luttes coloniales. Année
égrenée au fil des nouvelles reçues ;
éphéméride poétique au crescendo
tragique.
[…]
Marque des corps et brûlures, indélébiles celles-là, des âmes et des consciences …
☐ Préface, pp. 7-8
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