parutions 2002

NOTE DE L'ÉDITEUR : Né à l'île d'Arz dans le Golfe du Morbihan d'une famille de marins, Jean Bulot a navigué 37 ans dans la Marine Marchande et commandé pendant plus de vingt ans les plus puissants remorqueurs de haute mer et de sauvetage au monde, dont quinze ans l'Abeille Flandre. Avec ses équipages, il a secouru plus de cent navires en détresse ou en difficulté par gros temps […].

Depuis longtemps, Jean Bulot s'attendait à déplorer une catastrophe dans le golfe de Gascogne, cette zone aux dangers réputés ne bénéficiant d'aucun des dispositifs de sécurité mis en place en Manche et sur le rail d'Ouessant. Maintes fois alertés du risque, les pouvoirs publics n'ont jamais rien fait. Le naufrage de l'Erika était prévisible et peut-être évitable.

EXTRAIT

L'Amoco Cadiz est cap au Sud, l'avant dirigé vers la côte. Aux jumelles, Bardari suit la progression d'un grain arrivant par l'Ouest. Le ciel s'assombrit de plus en plus. De gros nuages noirs barrent l'horizon. La pluie, sous forme d'un rideau de barbes obliques d'un gris clair, se déplace rapidement en fouettant la surface de la mer. À l'avant du grain, un vent violent soulève de la poussière d'eau. La mer fume et la crête des vagues s'allonge en longues traînées d'écume blanche. Ouessant, un moment disparue sous le grain, émerge petit à petit encore toute ruisselante et laisse apercevoir au hasard d'une déchirure dans le ciel d'un bleu tantôt soutenu tantôt pastel, les bandes blanches et noires du phare de Créach en partie caché par la masse sombre et frangée d'écume de l'île de Keller. À l'arrière du grain, un timide faisceau de lumière éclaire fugitivement le phare et le sémaphore du Stiff perchés sur le haut de la falaise tandis que la tourelle du Men-Corn se détache maintenant entre le phare gris de Kéréon et les rochers noirs et découpés de l'île de Bannec. Un peu plus loin dans le Sud-Est, l'île de Balanec est à peine sortie du grain que celle de Molène, avec ses maisons blanches groupées autour de l'église et du sémaphore, s'apprête à faire le dos rond sous l'averse. Dans l'Est, grâce à cette luminosité unique en mer qui précède un grain, la tour sombre du phare du Four et l'île d'Iock se distinguent nettement de la côte battue par la mer. À l'horizon, on aperçoit même le clocher de Plourin au-dessus du plateau de roches d'Argenton sur lesquelles, se gonflant au fur et à mesure que les fonds diminuent, les déferlantes viennent se briser et éclater en gros embruns rabattus par le vent. Ce fascinant mais inquiétant spectacle rappelle Bardari à la réalité. L'Amoco Cadiz est à six milles des premiers hauts-fonds et, sous l'effet du vent et du courant, dérive rapidement vers la terre. ☐ pp. 100-101

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE

• « L'île d'Arz : l'île des capitaines », Le Faouët : Liv'éditions, 2011
• « Le nombril à Sophie », Ste Marguerite-sur-Mer : Ed. des Equateurs, 2008
• « L'île des Capitaines : chronique maritime et sociale d'une île du Ponant du XVII^e au XIX^e siècle », Auray : chez l'auteur, 1988 ; Le Faouët : Liv'éditions, 2001
• « L'île-aux-Moines : chronique maritime et sociale d'une île du Ponant du XVII^e au XIX^e siècle », Auray : chez l'auteur, 1992