Hôtel
des adieux / Brad Kessler ; traduit de l'anglais (Etats-Unis) par
Odile Demange. - Paris : NiL éditions, 2009. -
317 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-84111-348-4
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FRANÇOISE DARGENT :
Le paradis se mérite. Kevin et Douglas l'ont appris en retapant
longuement un vieil hôtel sur la côte sauvage de
l'île de Trachis Island, au large de la Nouvelle-Écosse.
Ils y ont aménagé un cocon douillet dans un jardin
odorant qui dégringole vers la rive. Le paradis, donc, jusqu'au
jour où l'enfer s'invite brutalement chez eux sous la forme
d'une catastrophe aérienne.
Brad Kessler s'est
inspiré d'un fait réel, le crash d'un avion dans la baie
de Halifax au Canada, pour brosser le portrait d'une communauté
d'âmes fort dissemblables marquées par la même
tragédie. L'hôtel est en effet choisi par les
autorités pour abriter les familles des victimes venues des
quatre coins du monde. Il faut vite se rendre à
l'évidence. Les sauveteurs qui s'affairent autour de la carcasse
disloquée en une multitude de pièces ne ramèneront
aucun survivant. Après l'effroi inhérent à
l'idée d'une telle mort, les proches doivent entamer le deuil
dans le doute lié à l'absence de corps.
Autour du
couple d'hôteliers, l'auteur procède à une
étude de mœurs en décrivant le tumulte des
sentiments qui naissent chez les uns et les autres. Ana,
l'ornithologue, hantée par la disparition de son époux,
se raccroche au souvenir de son bonheur passé. Une Indienne en
deuil de sa sœur se met en tête de guider les âmes
des disparus. Un couple d'Asiatiques multiplie les offrandes pour leur
fille. L'auteur évite le sentimentalisme en décrivant
longuement les éléments qui se mettent à l'unisson
des êtres en se déchaînant. Il évoque la
migration des oiseaux qui transitent par l'île comme une
métaphore de ceux qui ont disparu. La nature, pour lui,
ressource les âmes peinées.
☐ Le Figaro littéraire, 4 juin 2009
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EXTRAIT |
Sur Trachis Island, Ana se remémorait tout cela, surtout
les après-midi au lac, les chênes couleur bronze, la brise
glaciale, l'odeur de ses cigarettes. Autre chose encore lui revint
à l'esprit : un jour, elle avait vu un oiseau bleu et blanc
planer puis plonger dans le lac. Elle s'était levée d'un
bond et avait crié à son père :
— Là ! Ça y est ! Quelque chose
vient de plonger dans l'eau ! Quelque chose qui va hiberner tout
l'hiver ! Une seconde plus tard, l'oiseau resurgit
de l'eau, un poisson argenté dans le bec. C'était un
martin-pêcheur, lui avait expliqué son père ;
et depuis ce jour, les alcédinidés, les
martins-pêcheurs, étaient devenus les oiseaux
préférés d'Ana.
Pourquoi tout
ceci lui revenait-il à la mémoire, cette nuit, sur
Trachis Island ? Était-ce ce sentiment de latence, l'impression
d'attendre quelque chose qui n'arriverait jamais, comme durant toutes
ces soirées d'automne, au bord du lac ?
☐ pp. 161-162 |
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Birds in fall », New York : Scribner, 2006
- « Hôtel des adieux », Paris : 10/18 (Domaine étranger, 4468), 2011
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mise-à-jour : 3 mai 2019 |
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