Villa Amalia / Pascal
Quignard. - Paris : Gallimard, 2007. -
300 p. ; 18 cm. - (Folio, 4588).
ISBN
978-2-07-034706-3
|
|
O !
Solitude, my sweetest choice …
☐ Katherine
Philips — cité p. 122 |
Dans
la première partie du roman Ann Hidden,
passionnée de
musique, entreprend de se libérer de toute attache
affective, sociale ou pratique avec son passé.
L'appel
de la solitude la conduit à Ischia. À peine
installée dans l'île,
l'héroïne de Pascal
Quignard semble n'avoir d'autre objectif que de substituer une trame
nouvelle aux liens si méthodiquement
dénoués. Lieu d'un retrait souhaité,
l'île
devient alors la matrice d'un réseau de
substitution : un
médecin, ami puis amant, une fille élective, une
maîtresse et l'ami de celle-ci, quelques figures
équivoques d'un demi-monde blasé en
villégiature
entre Naples, la côte amalfitaine et les îles.
Mais
la possibilité d'un nouvel équilibre est
rapidement
compromise. Tournant le dos aux promesses d'Ischia, Ann Hidden
s'engage, solitaire et meurtrie, sur le chemin qu'elle avait
tenté d'esquiver — fidèle
à son unique
passion pour la musique.
|
EXTRAIT |
L'île émergea du brouillard. Lourde,
magique. Elle
fuyait la mort. Elle fuyait sa mère. Elle fuyait Georges.
Elle
s'installa dans la maison quelque inconfortable qu'elle fût
encore. Elle enfilait un ou deux pull-overs et allait
petit-déjeuner sur la terrasse dans le gris qui
précède l'aube. Elle contemplait le jour qui se
levait
derrière le petit pin noir, les premiers rayons, rayons
parfois
d'or pâle, rayons parfois blancs comme des mèches
d'archer.
Puis les premiers bleus.
Puis le surgissement violent, rapide, inexorable de la
lumière s'arrachant à la mer.
Elle commença par éprouver beaucoup de
vide, de
détresse, de désemploi au haut de la colline.
La vie d'hôtel étaye le corps dans la
mesure
où il faut laisser la chambre, bouger, sortir, revenir en
hâte, s'habiller, descendre dîner, saluer, sourire.
Mais
elle recouvra progressivement le plaisir de lire ses partitions des
heures durant et de s'y perdre, de les laisser se lever peu
à
peu comme des plantes ou des nuages ou des vagues. Elle
réapprit
à se retrouver sans homme, sans rien à
préparer,
sans avoir à se laver, sans avoir à se
vêtir avec
soin ni avec goût ni avec attention, sans se maquiller, sans
se
coiffer. Le plaisir de s'effondrer dans un fauteuil, d'allumer une
cigarette merveilleuse et de fermer les yeux sans que personne crie, ne
bourdonne au loin, ne s'approche, ne vous parle, ne commente le temps,
le jour, ni l'heure qui passe, ne vous tourmente.
De son lit elle voyait la baie.
☐ pp.
160-161 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Villa
Amalia », Paris : Gallimard, 2006
|
- Pascal Quignard,
« Boutès »,
Paris : Galilée (Lignes
fictives), 2008
- Pascal
Quignard et Irène Fenoglio, « Sur le
désir de
se jeter à l'eau », Paris : Presses
Sorbonne Nouvelle
(Archives), 2011
|
|
|
mise-à-jour : 23
novembre 2011 |
|
|
|