François Solesmes

L'île même (À la mer, IV)

Encre marine

La Versanne, 2005

bibliothèque insulaire
   
Iroise
parutions 2005
L'île même (À la mer, IV) / François Solesmes. - La Versanne : Encre marine, 2005. - 119 p. ; 23 cm.
ISBN 2-909422-92-5
De là qu'insulaire soit un titre de noblesse.

p. 105

Le poème en prose de François Solesmes (1927-2017) est un long et bel essai pour chanter à l'unisson une île — une île entre toutes dans son irréductible singularité, peinte avec autant de rigueur que d'amour mais jamais nommée 1 
— et l'île même, prisme où convergent et se brassent les qualités qui rendent aimables ces “ terre(s) entourée(s) d'eau de tous côtés ”.
       
1.“ Qu'on n'attende pas de lui qu'il livre le nom de l'Île : trop de regards déjà la fanent de leur ennui, la raturent de leur vacuité, quand il faudrait voir en elle … ” (p. 105)

FRANÇOIS SOLESMES : Ce n'est pas une île aux dimensions d'une région ou d'un pays qui nous livrera les secrets de l'ascendant qu'exerce, sur l'homme, “ une terre entourée d'eau de tous côtés ”. Pas davantage une île sise en mer fermée, tant l'Océan qui la caresse ou la rudoie, serre et desserre son étreinte — participe à son lustre.

L'île même est petite et ronde, et basse, telle, en Mer d'Iroise tourbillonnaire, ce peu de terre satellite d'Ouessant, et dont le nom n'importe.

Verra-t-on en elle un léger accroc dans la cape de lustrine bleue éployée à la ronde ? Un corps étranger en voie d'expulsion, ou d'absorption ? Un rucher où mille essaims en expansion butinent un pollen de sel — et la pluie, sur des lèvres d'îliens, a la douce crudité des tigelles ? Un enclos encore où, dans l'immense marmonnement marin, quelques paroles distinctes se hasardent parfois ?

L'île même est tout cela. Mais je vois bien d'où elle tire sa magie la plus sûre : livrée aux saillies du flot, vouée aux étrivières du vent viril, enveloppée d'une rumeur mâle, l'île est d'abord femme.

Femme étendue.

Terre à songes.

Voici les miens.

EXTRAIT

[…] avoir “ vue sur la mer ”, c'est déjà l'assurance que, les volets repoussés, une lumière réfléchie, une lumière de grande race va se ruer sur notre face. Mais que de surcroît, la fenêtre soit dans une petite île, et la lumière tumultueuse d'un coup nous tend l'éclat d'un miroir, flatte nos tempes, nos contours, et pèse même, à travers murs, sur notre dos. Tel est le privilège de l'île et de qui l'habite : être éclairé à la fois par le ciel et par une nappe circulaire de clarté — de vif-argent.

En quel lieu au monde verrait-on, mieux qu'en ces parages, la révolution, l'expansion du jour ? Autour de l'île, “ l'étoile lourde du beau temps s'ouvre les veines ” 1 et il s'ensuit — coupole et manchon — un jour extrême, ou l'extrême du jour. Comme inspirée par ce nœud d'ombre, dans l'étendue, la lumière autour de l'île se fait Ode processionnelle.

Parfois, l'océan, rechigné, ne concède au jour que la matité du grès ; mais quand il consent à n'être qu'un grand muscle lisse et plat, une majestueuse lueur de gypse, d'albâtre ou d'émeraude, selon les ciels, aborde l'île. Et plus celle-ci est petite, plus imposante est la faveur. Plus elle tend vers la rondeur, mieux l'alliance transparaît.

Jours de l'île … Qui parlait de révolution ? Que la marée monte ou descende, c'est toujours une affluence de matin — puissant, pressant, étagé, quand il n'est, sur le continent, qu'en suspension et, partant, si aisé à dissiper. Non que l'île échappe au temps, mais le matin, ici, outrepasse les limites assignées par l'horloge ; il devient insensiblement soir sans qu'ait faibli la faim juvénile, incisives à découvert, qui fait cercle …

C'est à coup sûr un privilège, que de recevoir une égale qualité, une même intensité de jour sur les paupières, les tempes et la nuque. Et les femmes devraient être plus belles d'une lumière et immédiate et réverbérée ; plus belles en un miroir à deux, à trois, à maintes faces. Dans l'œil de ce cyclone figé qu'est un jour marin.

pp. 94-95

1. Paul Eluard.
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Célébration de la mer », Le Jas du Revest Saint-Martin : Robert Morel, 1967
  • « D'un rivage », La Versanne : Encre marine, 1992
  • « Ode à l'océan » [À la mer, I], La Versanne : Encre marine, 1999
  • « Océanique » [À la mer, II], La Versanne : Encre marine, 2001
  • « Marées » [À la mer, III], La Versanne : Encre marine, 2002
  • « Encore ! Encore la mer », La Versanne : Encre marine, 2009
  • « Une fille passe (suivi de) Nudités », Paris : Encre marine, 2011
  • « Les murmures de l'amour », Paris : Les Belles lettres (Encre marine), 2013
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mise-à-jour : 15 décembre 2020
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