Pierre Mac Orlan

Brest

Ubacs

Rennes, 1988
bibliothèque insulaire
   
Iroise
Brest / Pierre Mac Orlan ; avant-lire par Hervé Cam. - Rennes : Éd. Ubacs, 1988. - 61 p. : ill. ; 22 cm.
ISBN 2-905373-19-9
Les îles sont omniprésentes dans ce texte écrit en 1926 pour la collection Portraits de la France. Mac Orlan ne les devine pas seulement au débouché de la rade ; elles l'obsèdent sur le port, derrière les vitres du bar Aux Iliens, voisin de L'Ile d'Ouessant ; elles l'obsèdent encore quand il côtoie les hommes du Léon Bourdelle, qui « naviguent de phare en phare et d'île en île ». Sous la pluie, il se laisse distraire au passage des îliennes, avec leurs « parapluies Tom Pouce ». Mais il ne résiste pas longtemps et finit par embarquer.
EXTRAIT

Il pleuvait sur la mer et la tempête essayait ses forces en quelques escarmouches. Sous le ciel livide, j'aperçus toutes les îles : Ouessant avec son terrible Fromveur qui tout d'un coup secoue les navires comme des noix, Molène, Quéménez où nous ne pûmes aborder et ses prairies sous-marines de goémons. La petite île de Quéménez précieusement peinte sur le fond livide du ciel semblait dormir au milieu des lames crêtées de dentelles savonneuses. On n'apercevait aucun havre qui pût recevoir la chaloupe. Sur le rivage, des goémons s'étiraient sur les galets comme des serpents malades, des goémons, plantes plus vieilles que les hommes, blé de la mer dont on fait du pain, qui ressemble à la chair iodée des animaux préhistoriques.

A l'horizon des grandes mers nordiques, Ouessant apparaissait, entre l'eau et le ciel, avec ses pylônes de T.S.F. qui contrôlent la parole humaine sur toute la mer.

La nuit était venue autour de nous. Et la lumière du bord lutta contre son mystère. A cette heure crépusculaire, il me semblait entendre dans les hurlements d'une mauvaise nuit marine le claquement d'argent des petits sabots des Iliennes, le pas timide de la petite Roseher à la porte du dancing dans le courant d'air qui fauche la rue et lève les jupes lourdes.

Les élégantes Ouessantines aux cheveux libres, dans la tradition des sirènes, filles de la mer et petites-filles de la mer, à la chair pétrie d'iode, dansaient le fox-trot cependant que la sirène du Stiff gémissait comme la bête blanche, mère de toutes les bêtes de la mer et des filles de l'île sacrée.

A Ouessant la terre est encore plus sainte qu'à Sainte-Anne-d'Auray. C'est ici la terre sainte de la religion catholique, mais d'un catholicisme marin. Le Jésus crucifié sur une ancre avec à tribord le feu vert du mauvais larron et à babord le feu rouge de l'autre mauvais larron.

pp. 55-56

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Brest » avec frontispice de Pierre Falké, Paris : Emile-Paul, 1926
  • « Brest », in Villes, Paris : Gallimard, 1929
  • « Brest », Dinan : Terre de brume, 2009

  • « Pierre Mac-Orlan présente Brest vu par Pierre Péron », La Baule : Éd. de Bretagne, 1946

mise-à-jour : 31 janvier 2017
Le Léon Bourdelle
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