8ème édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2006)
ouvrage en compétition |
L'île des gens d'ici
/ Azouz Begag ; illustrations de Jacques Ferrandez. -
Paris : Albin Michel, 2006. - 44 p. :
ill. ; 22 cm.
ISBN 2-226-17193-2
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Ce pourrait n'être
qu'une parenthèse — le simulacre
ritualisé de la découverte d'une île
à l'occasion de la trêve estivale, exercice que
bâclent des cohortes de touristes, chaque
été plus nombreux. Quand, un matin de juillet, l'Enez
Eusa s'approche d'Ouessant, le cœur du narrateur se
met à battre “ comme celui d'Ulysse de
retour à Ithaque ”,
déferlement d'émotion qu'aucune implication
personnelle ne semble justifier, sinon : “ Ouessant ! Il y a longtemps, quand un ami
brestois (…) m'avait parlé de cette
île, ses yeux s'étaient allumés comme
un phare ”.
La curiosité du
narrateur est aimantée par la lueur dont il a entrevu le
reflet dans les yeux de son ami, ce qui ne le détourne pas,
à l'occasion, des plaisirs que réserve
l'escapade : “ au pied du phare d'Ouessant,
mes filles se moquaient de me voir en extase devant ce jeteur de
lumières ”.
Mais l'objet de la
quête est ailleurs, et se dévoilera quand Le
Bihan, le taciturne loueur de vélos,
révèlera ce qui l'a mené à
Ouessant et la profonde nostalgie du soleil de son enfance
algérienne ; c'est
déjà le temps du retour : “ sur le pont, mes filles me demandent qui
était cet homme. Je dis un Algérien, c'est
tout ”.
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EXTRAIT |
[Un] ami breton, décalé en
terre lyonnaise, m'avait permis de mieux flairer cette insondable
mélancolie partagée par bien des hommes d'avoir
laissé quelque chose, quelque part, ce que les Portugais
appellent la saudade et que les chanteurs de fado
dans les vieux quartiers de Lisbonne vont chercher au fond de leurs
entrailles quand ils entament leur chant face au public.
Je me suis longtemps demandé
« Qu'est-ce donc que chaque homme a perdu dans un
port ? » et finalement j'ai
pensé « Peut-être
l'enfance ». Oui, c'est cela, certainement,
l'enfance. Et je me suis dit qu'au fond, comme les chanteurs de fado de
Lisboa, tous les immigrés pleurent leur enfance perdue.
Leurs larmes sont des larmes du temps passé. Sur les bancs
de l'université, Michel Le Guen parlait sans
relâche d'Ouessant, son lointain pays, qu'il courrait
rejoindre à l'occasion des vacances pour se replonger
à fond le cœur dans les bras de sa
mère, au milieu des siens.
☐
pp. 8-9
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'îlet-aux-Vents »,
Paris : Seuil (Point virgule, 114), 1992
- « Salam
Ouessant », Paris : Albin Michel, 2012 ; Paris :
Magnard (Classiques & contemporains, 142) ; Paris :
Librairie générale française (Le Livre de poche,
33450), 2014
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mise-à-jour : 10 juillet 2021 |
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