La place royale / Jean-Pierre
Abraham. - Cognac : Le temps qu'il fait, 2004. -
107 p. ; 19 cm.
ISBN 2-86853-408-2
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Voici sans
doute la meilleure façon d'entrer dans l'univers singulier
de Jean-Pierre Abraham (1936-2003) : des récits
brefs, qu'on peut lire d'un coup, où s'impose sans
délai la clarté de l'évidence. Si l'un
de ces textes, le plus récent, donne son titre à
l'ensemble, n'est-ce pas d'ailleurs pour suggérer que tout
instant, tout lieu, faubourg venteux, îlot désert,
vieux canot, champ de foin peut accéder au statut de
« place royale » par la
grâce de l'écriture ?
Sept récits,
inédits ou parus en revue, composent le recueil : Les
yeux de l'amour, La place royale, Avant l'hiver, Tévennec,
Rendez-vous à Ouessant, Aller aux Étocs
et Barnabé l'habile.
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EXTRAITS |
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dans
la plus courte virée en mer gît la
clarté du bout du monde.
☐ Aller
aux Étocs, p. 90 |
Je veux parler de lieux souvent
inabordables : petites îles, phares en mer. D'un
pays où le vent fait la loi pendant des mois. De ce monde
éclaté, à la pointe de la Bretagne,
dans cette mer narquoise qu'on nomme Iroise : îlots
en lame de couteau fendant le courant fou, hautes tours que l'on
rejoint par un va-et-vient tendu entre une potence et le mât
d'un bateau. Je voudrais parler du baromètre,
l'éclaireur ; et d'un pays moqueur vraiment, qui
lève de grands désirs et qui bientôt
les brise. Désirs souvent contradictoires :
à l'envie terrible de rejoindre l'un de ces lieux mal
accessibles, succède l'envie terrible de le quitter
lorsqu'on en est depuis trop longtemps prisonnier. Le seul va-et-vient
qui subsiste alors est celui des liaisons radio (et sur toute la
côte on écoute, à l'heure du
café de quatre heures) : « on
fera la relève demain, temps
permettant ». « Tu
dîneras chez nous ce soir, temps
permettant ». Temps
permettant : ponctuation obligée,
points de suspension à tous les projets. Pour bien vivre en
ces lieux il faudrait être sans espérance et ce
n'est pas facile. Ou alors emmener avec soi ceux qu'on aime et ne plus
rien attendre qu'un peu de pain frais de temps en temps. Avoir de la
place pour tous. Vivre à Tévennec, par exemple.
☐ Tévennec
(incipit), p. 45
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La carte que je vous ai postée cet
après-midi montrait une tempête
évidemment, la plupart des cartes postales qu'on trouve ici
montrent des tempêtes, des grandes envolées
d'écume sur les rochers. C'est spectaculaire, c'est facile
à faire, cela fait de l'effet. En
réalité le temps est très calme ce
soir, le vent léger, de nordé, le ciel ouvert.
Par la fenêtre, en me penchant, j'aperçois les
éclats rouges de la Jument, le phare de Jean-Marie, ce
Jean-Marie que je vais voir demain pour la première fois. Je
crois que je n'aurais pas aimé habiter un phare produisant
des éclats rouges.
Je n'aurais pas aimé vivre ici. J'ai
une pensée émue, constante, pour l'ile de Sein,
si plate, si belle, si nulle. C'était mon île.
Arrivant ici je me sens Sénan jusqu'au bout des ongles, en
visite au village voisin en quelque sorte, bien
décidé à tout critiquer et
à faire des comparaisons désobligeantes. Mais les
bouts du monde ne se ressemblent-ils pas, pour l'essentiel ?
☐ Rendez-vous
à Ouessant, pp. 63-64
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Jean-Pierre
Abraham, « Armen »,
Paris : Le Tout sur le tout, 1998 ; Paris : Payot (Petite bibliothèque), 2021
- Jean-Pierre
Abraham et Michel Thersiquel, « Une île nouvelle »,
Bégard :Filigranes éd., 1994
- Michel
Thersiquel et Jean-Pierre Abraham, « Bretagne, les chemins de
la mer », Brest : Le
Télégramme, 1999
- Jean-Pierre
Abraham et Yves Marion, « Journal
d'hiver »,
Bazas : Le Temps qu'il fait, en coéd. avec Le Tout
sur le
tout et la Ville de Douarnenez, 2012
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mise-à-jour : 5
juin 2012 |
Né
à Nantes en 1936,
Jean-Pierre Abraham
est mort en 2003.
Ses
cendres ont été dispersées en vue des
Glénan. |
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