Francis de Croisset

La féerie cinghalaise

Kailash

Pondichéry, 1996

bibliothèque insulaire

      

édité dans l'océan Indien
La féerie cinghalaise / Francis de Croisset. - Paris, Pondichéry : Kailash, 1996. - 261 p. ; 18 cm. - (Les Exotiques).
ISBN 2-909052-91-5
NOTE DE L'ÉDITEUR : Il était une fois à Ceylan de jeunes et beaux Anglais qui étaient de vrais princes charmants …, tel ce bien aimé Hollicott, que la mort subite d'un parent anoblit au terme de l'aventure ! De Croisset est un conteur et un prestidigitateur de talent : il fait à Ceylan s'évanouir tous les Ceylanais, et avec eux les conflits effectifs de l'île, pour ne sortir de son chapeau que des fantômes auxquels il donne un peu de consistance, ces Anglais qu'il nous montre déambulant dans un univers clos, et à bien des égards absurde, tout en débattant avec assurance de leur supériorité. Il arrive toutefois aux magiciens, même au meilleurs, de s'illusionner eux-mêmes : “ Est-ce la magie au clair de lune ? ” se demande-t-il à Anuradhapura.
EXTRAIT Des deux côtés de la piste, la jungle nous cerne. Sa sombre masse invulnérable nous menace de ses rameaux velus, nous cherche de ses branches qui ont l'air de reptiles, nous agrippe de ses lianes qui ont l'air de pieuvres.

Par ses ronces griffantes, par ses géantes épines, par le glaive de ses cactus monstrueux, elle nous attaque, silencieuse. Ses racines, débordant la piste, sillonnent le sol qu'elles creusent ou qu'elles crèvent, et grouillantes, s'enchevêtrent sous nos roues. Tandis que là-haut la verte armée aux bras tordus, par-dessus la piste qu'elle ignore, reforme ses faisceaux en plein ciel.

Nous roulons sous ces nefs obscures.
— À la prochaine éclaircie, nous baisse la capote dit Hollicott, qui fouetté par un rhododendron, vient de remuer.
— Nous étoufferons davantage.
— C'est la soleil qui nous étouffe.
— Où ça, « la soleil » ? fais-je, excédé. Je lui montre un dôme vert à vingt mètres au-dessus de nos têtes : nous roulons sous une coupole.
— Enlevez votre casque, conseille Hollicott gouailleur. Vous verras.
J'enlève mon casque. Aussitôt une brûlure atroce. Je le remets, épouvanté ! Hollicott se tord :
— Vous es pas encore habitué, du Croussett. Et ça, c'est rien. C'est dans la jungle que vous la sentiras passer !
— La jungle ? Mais nous y sommes !
— No. Pas la vraie. La vraie, c'est après Kandy, quand vous redescend vers le centre.
— Et c'est plus fantastique qu'ici ?
— Énormément ! Et il est aussi énormément plus chaud.
Je l'écoute accablé, mais ravi. C'est tellement ce que j'avais souhaité !

Hollicott se résume :
— Vous comprendre, du Croussett : ici, vous trempe dans le bain-marie, mais là-bas, vous mijote dans la marmite.
Il réfléchit et reprend :
— Les touristes qui craignent la congestion cérébrale emportent du glace pilé dans un sac de caoutchouc. Mais en cette saison, il fond.
— Elle fond, dis-je machinalement. Glace est du féminin.
— Oui, répond Hollicott. Mais je parle pas de la glace, je parle du caoutchouc.
Il regarde quelque chose au loin, échange deux mots avec son chauffeur, puis m'apprend :
— Nous arrive bientôt au village. Vous vois pas ?
— Non.
— Vous vois pas là-bas, comment vous dites … une calvitie ?
— Une éclaircie. Si. Eh bien ?
— Eh bien, c'est ça. Les calvities sont si rares dans cette damnée forêt que le village en profite tout de suite pour pousser dessus.

Les antichambres de la jungle

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « La féerie cinghalaise : Ceylan avec les Anglais », Paris : Grasset, 1926

mise-à-jour : 3 février 2006

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