Et
si on envahissait les USA ? / Jean-Baptiste Schiller. -
Port-au-Prince : Narénia, 2002. - 271 p. ;
18 cm. ISBN 99935-622-2-X
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Pionnier de l'internet en Haïti, Schiller Jean-Baptiste a écrit ce bref roman en 1990, alors que ses concitoyens se préparaient à participer aux premières élections démocratiques du pays (note de l'éditeur, p. 7). En rééditant l'ouvrage en 2002, l'auteur jugeait bon de recommencer
à rire de la politique et des relations des petits frères
turbulents avec les grands frères de la planète (pp. 7-8). L'intrigue de cette comédie politique se
noue lors d'une réunion du conseil des ministres de la
République d'Haïti en quête des moyens qui
permettraient de renflouer les caisses du trésor ; le jeune
et inexpérimenté ministre du Sucre et du Café
formule alors la question qui donne son titre au roman : et si on envahissait les USA ?
Les
relations entre Haïti et son grand voisin du continent
américain ont toujours été empreintes de tensions
intenses et parfois brutales qui ont culminé entre 1915
et 1934 quand le président Wilson fit occuper le pays. Ce violent épisode de l'histoire haïtienne subsiste
douloureusement dans la mémoire collective, mais Schiller
Jean-Baptiste s'en tient au registre de la farce et de l'auto-dérision, en ciblant ridicules et travers d'une classe politique dépassée. Il faut dédramatiser (…) notre drame quotidien. Pourquoi ne pas en faire tout juste un sujet de rire ? (p. 8).
En
1994 et en 2004, après la première parution du roman, les
États-Unis d'Amérique sont intervenus à deux
reprises dans l'histoire tourmentée d'Haïti. Et, par un
paradoxal retournement de situation, c'est un Président
américain qui ne peut être suspecté d'aucune
arrière-pensée impérialiste (?) qui, au début
2010, engage le grand frère voisin dans une gigantesque misson d'assistance au petit frère turbulent.
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EXTRAIT |
L'ambassadeur revint sur terre une fois de plus ou plutôt,
il abandonna son étude des moyens de défense de l'ennemi
dans la perspective d'une percée à long terme.
Percée dont il se serait personnellement chargé, en ce
moment même, mais les préoccupations actuelles
nécessitaient une approche beaucoup plus terre à terre et
moins subtile.
Il sortit une feuille de papier d'un porte-documents et la tendit au Ministre.
— Voilà restranscrites les allégations
de votre Ministre de l'Image et de la Propagande. Il y est dit que les
Etats-Unis maintiennent le peuple d'Haïti dans la faim, tandis que
leurs supermarchés sont « super
chargés » … Je me permets de remarquer en
passant que le jeu de mots est plutôt mauvais … Il
est aussi dit que les Etats-Unis ont établi dans le pays un
système de corruption que votre gouvernement cherche vainement
à destituer. Les Etats-Unis essaient de renverser votre
gouvernement, et de faire de l'anglais votre langue
officielle … Dois-je continuer, Madame la ministre ?
Au moins, dites-moi où vous voulez en venir ? acheva,
excédé, l'ambassadeur américain.
— Je répondrai au nom de mon gouvernement qu'il
est maintenant temps pour nous de définir une approche enfin
constructive de nos relations, les renouer de telle sorte que le peuple
haïtien puisse se sentir engagé dans un coude à
coude avec le peuple frère des Etats-Unis d'Amérique dans
sa lutte séculaire pour ses droits économiques. C'est du
moins, Monsieur l'Ambassadeur, la leçon que nous devons tous
tirer de ce petit incident, conclut d'une voix ferme, la belle Lucienne
Lepigeon.
Lucienne Lepigeon marquait ainsi la fin de l'entretien, à la limite de la courtoisie.
☐ pp. 64-65 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Et si on envahissait les USA ? », Port-au-Prince : Imprimeur II, 1992
- « Et si on envahissait les USA ? », Paris : Le Serpent à plumes (Motifs, 155), 2002
- « Pour une doctrine Sud de la netéconomie », Port-au-Prince : Narénia, 2001
- « Tolérance 0 », Port-au-Prince : Narénia, 2001
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mise-à-jour : 21 janvier 2010 |
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